Après avoir découvert avec une surprise non feinte l’ampleur des divergences entre la France et le Maroc révélées au grand jour par le dernier séisme dans la région d’Al Haouz, les grands médias français ont commencé un exercice de diagnostic, d’introspection et de thérapie de cette relation entre Rabat et Paris, victime de nombreux démons.
La dernière série d’articles publiés dans Le Monde dans laquelle le journal tente d’analyser les raisons de ce divorce fait partie de cette prise de conscience quelque peu tardive des médias français mainstream sur une crise politique et diplomatique tout sauf anodine. L’importance du journal Le Monde comme canal de diffusion de messages politiques n’est plus à démontrer.
Dans un passé récent, quand la diplomatie française, contre toute logique, refusait d’admettre l’existence de cette crise de l’axe Rabat Paris, ce même journal, Le Monde, épousait cette stratégie du déni en survolant cette crise avec une production épisodique ou il diffusait régulièrement ses postions teintées d’un tropisme algérien et d’une résistante antipathie pour le Royaume du Maroc.
Aujourd’hui, la crise entre la France et le Maroc est devenue une réalité internationale qu’il faut absolument traiter sous peine de courir le risque d’atteindre un point de non retour. Mais cette crise continue d’interpeller surtout quand la relation entre les deux pays subit une forme de chaud et de froid.
Le chaud d’abord est incarnée par cette visite remarquée de M. Abdellatif Loudiyi, ministre délégué auprès du chef du gouvernement, chargé de l’administration de la Défense nationale, pour participer au 80e anniversaire de la libération de La Corse en présence du président Emmanuel Macron, ou encore cette visite non moins remarquée et inédite d’une délégation de militaires et de hauts fonctionnaires français à la ville mythique de Laayoune, perle du Sahara marocain.
Le froid ensuite quand la non réception par Le Roi Mohammed VI de l’ambassadeur français Christophe Lecourtier, dans le cadre d’un groupe d’ambassadeurs venus remettre leurs lettres de créance au Palais Royal, avait suscité de nombreux interrogations et interprétations sur les réseaux sociaux. Les uns y voyaient une expression opportune de mauvaise humeur marocaine, les autres l’expliquaient par une simple question de calendrier d’arrivée. La première version a eu plus de succès que la seconde.
Le froid est reflété aussi par cette diligence marocaine hautement médiatisée de contrôle et de vérification d’un bateau en provenance de la France soupçonné de contenir des punaises de lit, cette nouvelle pandémie française qui porte un coup dur à l’image de la France, surtout à l’approche de la date fatidique de la tenue des prochaines jeux olympiques.
Beaucoup a été écrit sur cette froide crise entre Rabat et Paris. De la relation personnelle de mauvaise qualité entre le souverain marocain et le président français, passant par les allégations françaises d’usage du logiciel espion Pegasus contre des cibles françaises, jusqu’à l’amertume de marocains à l’égard des visas utilisés par Paris comme arme de sanction et de chantage. Toutes ces raisons ont sans doute participé comme des éléments du faisceau de cette crise. Mais la seule divergence qui à la fois empêche une réconciliation et est susceptible de changer la donne est la question du Sahara marocain. Si demain Emmanuel Macron annonce que la France reconnaît la souveraineté du Maroc sur son Sahara, toutes ces mini crises ne seront qu’un lointain souvenir.
La grande déception marocaine est d’avoir constaté que la zone grise dans laquelle se complaît la diplomatie française sur cette affaire du Sahara est avant tout une contrainte imposée par le régime algérien. Et sans doute sans le vouloir, Emmanuel Macron donne cette étrange impression que sa position non seulement empêche la solution définitive de ce conflit territorial vieux de plus de cinq décennies mais maintient dans la région fantasme de la création d’un sixième état au Maghreb. Ce qui est pour les marocains le comble de l’inimitié.