Pour ceux qui avaient encore un soupçon de doute, le match présidentiel a été plié dès la première demi-heure du débat présidentiel. Emmanuel Macron, arrogant par sa parfaite maitrise des dossiers, a complètement dominé le débat face à Marine Le Pen, révélant chez elle une incompétence chronique.
Il faut dire que les attentes étaient grandes. Après son débat catastrophique de 2017, il était dit que Marine Le Pen a passé tout le mandat Macron à ressasser sa défaite, à revivre comme un film cauchemardesque le fil de sa chute. Logiquement, elle allait se rattraper sur deux niveaux : la maîtrise de son comportement et la maîtrise de ses dossiers économiques.
Or si pendant tout ce débat elle a été d’une retenue aussi excessive que calculée, sur l’économie, le régalien, l’Europe, elle a été d’une approximation coupable. En fin politique, Emmanuel Macron à force de harangues opportunes, d’interpellations ciblées, a poussé Marine le Pen dans ses derniers retranchements jusqu’à dévoiler des failles béantes qui résument son incapacité à être à la hauteur de la fonction présidentielle.
L’entourage de Marine Le Pen, sans doute intimement déçu par la prestation de sa championne, n’a pas voulu voir cette réalité. Sa stratégie de défense se résumait à charger Emmanuel Macron sur son attitude supposée arrogante et méprisante comme certains plans de coupe peuvent le laisser voir. Sur le cœur de la stratégie présidentielle de leur candidate, ses faillites en économie, en diplomatie sont traitées avec un autisme assumé.
Ceux qui parient sur la victoire de Marine Le Pen misent sur un seul facteur, celui qui verrait un mouvement « tout sauf Macron » être plus puissant qu’une prise de position ferme et généralisée contre l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en France. Ce qui paraît au vu du débat sinon un vœu pieux du moins un fantasme politique.
Même si l’équipe Macron dissimule sa joie et ne veut pas crier victoire avant l’heure de peur de subir une démobilisation de l’électorat, comme celle qui avait coûté son destin politique au socialiste Lionel Jospin, le second mandat de leur champion paraît inévitable. Sans doute le véritable mystère réside dans les chiffres. Avec quel taux de participation Emmanuel Macron va décrocher un nouveau bail à l’Élysée ? Et surtout avec quelle avance il va écraser sa concurrente ? Une large victoire ne se déguste certainement pas comme une victoire avec un score moins important.
Emmanuel Macron a tué le match sur au moins trois niveaux. Le premier sur le pouvoir d’achat dont Marine Le Pen, en compétition frontale avec Éric Zemmour, avait fait son nouvel étendard. En deux temps trois mouvements, Marine Le Pen a montré une dangereuse absence de tout mécanisme de financement réaliste de toutes les mesures qu’elle compte prendre. La magie du sérieux s’est soudainement évaporée, laissant la place à une dangereuse improvisation.
Le second niveau est la relation avec la Russie de Vladimir Poutine, l’homme qu’Emmanuel Macron a qualifié de banquier de l’extrême droite . Devant cette attaque, Marine Le Pen a été déstabilisée même si elle a nié en bloc les accusations d’accointances.
Le troisième niveau qui a plombé Marine Le Pen est le débat sur le port du voile dans l’espace publique. Ses nombreuses volte-face ont brouillé son message mais c’est le coup de grâce que lui a porté Emmanuel Macron qui avait fini par l’achever. « Avec Marine Le Pen, La France pays des lumières et des droits de l’homme serait le premier pays sur la planète à interdire le port des signes religieux dans l’espace publique », avait asséné le président sortant . Macron va jusqu’à accuser Marine Le Pen de préparer les conditions d’une guerre civile en France.
Malgré toute cette avance de Macron sur Le Pen, les derniers sondages montrent que ce débat spectaculairement gagné par le président sortant et incontestablement perdu par Marine Le Pen n’aurait pas véritablement révolutionné les rapports de forces et n’offrira pas une victoire écrasante à Emmanuel Macron. Le fait de prévoir un résultat serré est la preuve que les votes sanctions contre Emmanuel Macron et ceux du barrage républicain contre l’extrême droite se resserrent dangereusement. Au point de garantir une forme de suspense là où logiquement tout est plié.