Ira ? Ira sûrement … Mais dans quelles conditions ? De quelle manière ? Par un tweet ramassé ? Par un généreux discours télévisé ? Ou par une phrase lancée comme par inadvertance au gré d’une déambulation pour mieux souligner l’évolution naturelle des événements ? La candidature d’Emmanuel Macron est sujette à toutes les supputations. Elle devient même l’objet d’un débat politique clivé et enflammé.
En retenant sa candidature jusqu’à la dernière limite légale, Emmanuel Macron prive ses concurrents d’une possibilité de confronter et de démolir son bilan pour pouvoir bénéficier d’un effet ascenseur.
En effet, se frotter à des candidats de même acabit électoral est beaucoup moins pimenté qu’affronter le président sortant avec ce qu’il peut offrir comme effet de miroir et de comparaison.
Sans Emmanuel Macron déclaré, les débats ronronnent comme les cris des poissons dans un bocal . Il est vrai que cela installe une certaine atmosphère comme l’ont si bien réussi le duo Le Pen/ Zemmour, où l’accent est davantage mis sur les questions d’identité, d’immigration et de sécurité.
Un combat de coqs entre qui est le plus « national », le plus « souverain », le plus « Français « . Des thématiques qui donnent l’illusion de dominer les soucis des Français mais qui peuvent se révéler des préoccupations de niches sans grande portée. Car au moment où l’attention est fixée sur les questions identitaires, cela fait l’économie d’une réflexion sur les problèmes économiques et sociales, accentués par la pandémie de la Covid-19.
Devant l’attitude d’Emmanuel Macron, l’opposition a sorti la grosse artillerie. Certains ont accusé le président, non encore candidat, de fuir le débat pour ne pas avoir à subir la contradiction. D’autres lui reprochent d’utiliser les moyens que l’Etat met à sa disposition pour mener une campagne électorale clandestine. Les finances des comptes de campagne et le temps d’antennes ne sont comptés qu’à partir de la déclaration de candidature.
En tout cas Emmanuel Macron, sous prétexte de vouloir être le président des Français jusqu’à la dernière minute de son mandat, ne se gêne pas pour exploiter toutes les opportunités médiatiques que l’agenda politique et diplomatique lui offre. Avec la présidence française de l’Union européenne, les occasions d’intervenir sur les crises régionales sont immenses comme le montrent les deux grands conflits du moment, l’Ukraine et le Sahel.
La spectaculaire tentative de médiation entre Moscou et Kiev que Macron lance cette semaine vise certes à faire baisser la tension dans cette région explosive mais aussi à sacrer dans le marbre électoral l’incontestable posture internationale du président-candidat.
En attend de se lancer dans la bataille du second mandat, Emmanuel Macron aura à gérer une extrême droite, revigorée par les vives polémiques infusées par Eric Zemmour, une droite qui renaît de ses cendres en intronisant une femme, Valérie Pecresse, et une gauche toujours à la recherche du leadership perdu malgré l’apparition tardive de Christiane Taubira .
Sur le papier , la reconduction pour Emmanuel Macron pour un second mandat semble ressembler à un promenade de santé. L’extrême droite se cannibalise toute seule dans une guerre fratricide entre Le Pen et Zemmour qui lui fait perdre toute crédibilité et épaissit davantage son plafond de verre. La gauche qui s’autoparalyse par une violente guerre d’égos et s’éloigne de plus en plus de la victoire et la droite républicaine qui n’arrive pas à se délester du baiser de la mort que « la république en marche « lui a administré en début de mandat en s’emparant d’une grande partie de ses ressources humaines .
Mais dans la réalité , Emmanuel Macron, tout enthousiaste et tout efficace qu’il est, n’est pas à l’abri d’un accident de l’histoire. Pour de nombreux observateurs, cet accident peut survenir à travers la qualification surprise de la candidate de la droite républicaine Valérie Pécresse au second tour de cette présidentielle. Dans ce cas de figure, Emmanuel Macron peut craindre pour sa réélection.
Le risque pour lui est de voir se coaguler contre lui toutes les forces politiques qui rêvent de le déloger de l’Élysée et qu’on trouve aussi bien de l’extrême droite qu’à l’extrême gauche. Emmanuel Macron pourra alors vivre le syndrome du tous sauf Macron dont a souffert un de ses visiteurs du soir Nicolas Sarkozy.