Il est vrai que le chef des milices séparatistes du Polisario Brahim Ghali n’a pas fini ses nuits dans les prisons espagnoles. Il est tout aussi vrai qu’après une brève audience par vidéo avec un juge espagnol, il a pu quitter librement l’Espagne pour rejoindre son pays d’origine l’Algérie.
Mais est-ce pour autant un échec marocain, tant la déception et la frustration de le voir échapper entre les mailles du filet de la justice espagnole est probable ? Non il ne s’agit pas d’un échec. La diplomatie marocaine a marqué des points, obtenu des gains politiques qui dépassent largement la simple personne de Mohamed Benbattouche, alias Brahim Ghali.
Il est vrai que l’objectif stratégique pour lesquels les efforts diplomatiques marocains ont été mobilisés était de voir Brahim Ghali, le chef d’une cause perdue, l’icône d’une crise artificielle, instrument de nuisance de la machine de guerre algérienne contre le Maroc, derrière les barreaux comme le gibier de potence qu’il a toujours été. Mais la non réalisation physique de cet objectif ne signifie nullement une défaite marocaine dans ce bras de fer dramatique qui a mobilisé les attentions et les énergies pendant de longues journées.
Bien au contraire, la diplomatie marocaine a marqué des points politiques d’une grande valeur. Ce scandale du citoyen algérien Benbattouche qui a donné son identité au chef du Polisario Brahim pour s’infiltrer dans les hôpitaux espagnols, a été un coup dure pour les services algériens qui l’ont vécu comme une humiliation et une preuve d’un incontestable amateurisme.
Le pouvoir algérien, déjà contesté par sa mauvaise gouvernance aux yeux de sa propre population comme en témoigne le Hirak, a vu sa réputation internationale encore plus ternie par ce ratage spectaculaire.
Par ailleurs, ceux qui au sein de la communauté internationale, victimes de la propagande algérienne, avaient encore des doutes sur l’implication de l’Etat algérien et de son appareil sécuritaire dans l’instrumentalisation du Polisario ont aujourd’hui la preuve définitive que ce mouvement séparatiste n’est ni plus ni moins qu’une arme de guerre algérienne contre le Maroc. Et que toute solution durable et efficace doit fatalement passer par une négociation directe entre Rabat et Alger sous des auspices internationaux.
Dans sa relation avec l’Espagne, le Maroc a marqué là aussi des points. Au delà du fait d’avoir sorti de l’ombre à la lumière les forces espagnoles hostiles à ses intérêts, devenues aujourd’hui visibles sur tous les radars de la relation hispano-marocaine, la détermination marocaine à obtenir des attitudes espagnoles compatibles avec ses intérêts a provoqué une crise interne espagnole dont on verra plus tard les répercussions sur le plan de la politique domestique. Mauvais management d’une situation inédite, gestion au jour le jour avec des intonations approximatives, des menaces fébriles. Le gouvernement de Pedro Sanchez a été dans l’obligation de recourir à l’arme de la solidarité européenne pour se sortir de cette impasse. Il paiera inévitablement auprès des Espagnols le prix de cette improvisation indigne et de cette légèreté d’amateur.
Autres conséquences directes de cette crise, le partenariat stratégique entre l’Espagne et le Maroc mis à rude épreuve par cette aventure sera revu à l’aune du positionnement espagnol sur le Sahara. C’est dire à quel point cette crise a fait perdre à certains la zone de confort grise dans laquelle ils évoluaient avec les facilités er les prébendes du double discours.
Par ailleurs, la diplomatie marocaine a utilisé toutes les gammes de cette crise, politique et de communication, pour redessiner les contours de ses lignes rouges sur l’affaire du Sahara. A travers la porte espagnole, le message était adressé à l’ensemble de l’Europe. Avec une clarté et une détermination à la hauteur de ce que représente l’affaire du Sahara pour l’ensemble des Marocains, la diplomatie marocaine a redit avec force le cadre général dans lequel ce conflit territorial avec l’Algérie doit évoluer.
A l’égard du chef du Polisario, cette crise a été l’occasion de jeter une lumière crue sur les pratiques d’une milice armée qui a fait du viol, de la séquestration, du crime de guerre son mode de vie quotidien au point de transformer les camps de Tindouf en une prison à ciel ouvert qui nécessite une intervention humanitaire internationale. L’éclairage médiatique sur le pedigree d’un homme aussi peu fréquentable que Brahim Ghali montre à ceux, très rares notamment au sein des groupes politiques en Europe qui avaient des sympathies pour sa cause, l’ampleur de sa déchéance.