Le Match Macron/Le Pen en 2022 n’est plus inéluctable
Il y a eu un gigantesque non-dit national à la suite des récentes élections régionales, c’est le grand ouf de soulagement de ne pas voir l’extrême droite réaliser une percée historique en raflant des régions entières. Le soulagement était à la hauteur des attentes de certains et de craintes de beaucoup.
Le Rassemblent National ( RN) , ex Front National, mené par Marine Le Pen était donné grand gagnant dans tous les sondages. On lui promettait monts et merveilles qui lui paveraient la route de l’Elysée.
Ces élections régionales devaient être une précieuse rampe de lancement. Elle allait achever le succès de l’opération dédiabolisation du FN et l’installer dans une normalité qu’on rendrait naturel son accès au pouvoir.
Or l’échec électoral du parti de Marine Le Pen, son incapacité à arracher la moindre région, le recul constaté de l’extrême droite dans les urnes a été une grande surprise pour l’ensemble du spectre politique français.
Cette défaite renseigne sur une donnée fondamentale : l’incapacité de Marine Le Pen à casser le plafond de verre qui la maintient à un seuil qui pourra , certes lui permettre de jouer les troubles fêtes de la politique française mais jamais d’accéder au pouvoir.
On disait que ce plafond de verre était en train de fondre doucement mais sûrement. Et pour cause. Toutes les thématiques chères à l’extrême droite, immigration, islam, terrorisme, sécurité, dominaient largement le débat politique français.
Marine Le Pen et ses soutiens lançaient la surenchère et les autres partis, qu’ils soient de gauche ou de droite, au gouvernement ou dans l’opposition, étaient obligés de suivre et de se déterminer.
C’est le Rassemblement National, mené par Marine Le Pen et Jordan Bardella, aidés entres autres par des personnalités comme le polémiste Eric Zemmour, l’avocat Gilbert Collard ou l’ancien président de reporters sans frontières devenu maire de Béziers, Rober Ménard, qui imposaient le tempo de l’actualité.
Une certaine actualité reprise et survendue par des médias devenus le lieu où la pensée de l’extrême droite s’élabore et se diffuse, ou la préparation des esprits à son arrivée au pouvoir se réalise au quotidien comme la chaîne d’informations continues CNews ou l’hebdomadaire très droitier « Valeurs Actuelles » .
Mais toute cette architecture politique, cette construction idéologique autour de l’extrême droite triomphante vient de recevoir un grand coup. Et si Marine Le Pen et sa démarche politique n’était qu’une illusion d’optique, juste capable de séduire une niche des français en colère et en amertume ? .
Après cet échec aux régionales et l’avenir non prometteur qui s’annonce pour Marine Le Pen , nombreux sont les doctes politologues qui ont essayé d’en expliquer les ressorts et éclairer les mécanismes.
Deux raisons apparaissent dans ces raisonnements. La première concerne la stratégie de Rassemblement National de normaliser son programme, de lisser son image qui l’avait rendu méconnaissable aux yeux de son électorat habitué au clivages aigües , aux ruptures fracassantes et à la protestation effervescente .
La seconde a trait avec le nom de Le Pen. Selon certaines analyses , ce nom serait profondément attaché aux sourdes angoisses des français de voir leur pays sombrer dans les affrontements communautaires, voire la guerre civile. C’est un nom repoussoir, dissuasif de toute tentation de donner le pouvoir a l’extrême droite .
C’est en tout cas une grande douche froide que les milieux de l’extrême droite et leurs sympathisants en France viennent de vivre. Ils se consolent en disant que la dynamique des élections régionales est différente de celle qui s’imposera au niveau national , ou l’icône de l’extrême droite Marine Le Pen pourra capter une plus grande part de l’électorat.
A cet argument, les opposants de l’extrême droite pourront toujours arguer qu’une force politique incapable d’emporter une région aura du mal à s’imposer au niveau national . Seul bémol de cette contre offensive, la règle s’applique aussi au président Emmanuel Macron dont le parti, La République En Marche, a brillé par son incapacité à à atteindre les dix pour cent de l’électorat pour agir sur les équilibres politiques des régions.
Dernière stratégie de rupture, Marine Le Pen a décidé au dernier congrès du Parti dans la ville de Perpignan de confier la présidence effective du Rassemblement National au jeune Jordan Bardella. Elle voguera, elle , en dehors du Parti de l’extrême droite, pour tenter d’attirer vers elle les électorats que rebutent encore le label RN, trop lié encore à l’ancien FN.
Pari risqué de sous-traiter au Parti la radicalité indispensable au maintien de la flamme revendicatrice et anti-système qui fait l’ADN de l’extrême droite et gardera pour elle l’approche rassurante, séductrice et rassembleuse.
Dans cette bataille présidentielle dont les enjeux ne seront réellement lancés qu’en septembre, Marine Le Pen aura à composer avec deux grandes inconnues: la capacité de résistance d’Emmanuel Macron, candidat naturel pour un second mandat, et la capacité de renaissance de la droite classique dont certains leaders se voient déjà à l’Elysée.
La qualification au second tour de la présidentielle de Marine Le Pen, une promenade de santé avant les régionales, est devenue aujourd’hui la grande incertitude politique de l’après.