La France cherche son premier ministre
Avec la dissolution surprise de l’Assemblée nationale, le président français Emmanuel Macron a voulu une clarification, il a obtenu une impasse.
Comme chez les turfistes et les jeux du hasard, les pronostics vont bon train en France sur l’identité du futur Premier ministre. Et les paris sont à la fois inextricables et loin d’être gagnés. Et pour cause les résultats du second tour de ces législatives anticipées ont fortement compliqué le possible jeu des alliances et rendu presque impossible le choix un premier ministre pour succéder à Gabriel Attal.
Dans la pratique des institutions, le locataire de L’Elysée doit choisir une personnalité au sein du plus grand groupe parlementaire, celui du nouveau Front de gauche et le charger de former un gouvernement. Et au sein de ce NFP, la France Insoumise de Jean Luc Mélenchon prétend être le groupe le plus puissant et voudrait que le premier ministre sortirait de ses rangs.
Or la France Insoumise s’est distinguée par des positions politiques clivantes qui empêcheraient la désignation d’un premier ministre LFI. Bien avant le second tour des législatives, une grande partie du spectre politique français s’y était opposée. Chacun pour des raisons propres à lui. Les uns parce que la France insoumise défend un programme économique utopique. Les autres parce qu’ils estiment que ses récentes critiques à l’égard du gouvernement israélien de Benjamin Nethanyhou et sa défense passionnée des Palestiniens frôlaient l’antisémitisme.
Devant ce qui apparaît comme un blocage programmé avec une impossible candidature de LFI au poste de premier ministre, le parti socialiste affiche ses ambitions. Son premier secrétaire Olivier Faure a formulé ouvertement sa candidature à ce poste, tandis que la bourse des rumeurs cite souvent la personnalité de Boris Vallaud, époux dans la ville de l’ex-ministre de François Hollande, Najat Vallaud Belkacem. Boris Vallaud était président du groupe socialiste dans l’ancienne Assemblée et est connu pour entretenir d’excellents relations avec les différentes sensibilités de gauche, mais a des relations exécrables avec le président Macron.
Un autre nom circule avec insistance, celle de Marine Tondelier, Secrétaire nationale des écologistes. Son étoile a brillé dans l’entre deux tours de ces élections. Son répondant tranchant, sa maîtrise des dossiers, ses convictions claires et déterminées et …sa veste verte ont fini par lui procurer une posture singulière et la possibilité de diriger ce Front de gauche même si son parti, les Verts, n’est pas arithmétiquement le premier.
Face à ces possibles candidatures de gauche, la droite républicaine n’est pas restée inactive. Par la voix de l’ancien premier ministre Edouard Phillipe, elle demande à Macron de choisir une personnalité de droite pour former un gouvernement. Dans le même sillage de cette sortie, il a été révélé qu’aussi bien Édouard Philippe que Sébastien Lecornu , ministre de La Défense ont dîné avec Marine Le Pen. Sans doute étaient-ils si certains de la victoire du Rassemblement national aux élections législatives ? Ou cherchaient-ils des alliances futures ?
Mais le choix d’une personnalité de droite pour constituer une majorité même relative est de nature à choquer une opinion pour laquelle Emmanuel Macron a expliqué la nécessité d’une dissolution par l’impérieux besoin d’une clarification. Se retrouver avec un gouvernement « Gabriel Attal Bis » avec une marge de manœuvre encore plus réduite que celle qu’il avait avant la dissolution peut paraître handicapant et signifier le flagrant échec de ce choix. D’autant plus que ce gouvernement de la droite et du centre et à supposer qu’une partie des socialistes puissent se joindre à cette coalition, ce qui est loin d’être acquis, sera exposé à toutes sortes de motions de défiance et pourra tomber à n’importe quel moment.
La mission du président Macron de sortir la France de cette ornière paraît extrêmement difficile. Sauf à envisager un gouvernement paralysé avec une Assemblée nationale inactive et mise à l’écart, toutes les équations envisagées pour garantir une majorité absolue ou du moins une majorité relative, paraissent vouées à l’échec. La gauche estime que son temps et venue pour gouverner et appliquer son programme. La droite et le centre estiment que s’ils ont reculé, ils n’ont pas pour autant perdu la bataille et le Rassemblement national pense que même s’il a raté le, il n’a pas démérité en faisant entrer à l’Assemblée un groupe massif de députés.
Emmanuel Macron a voulu une clarification, il a obtenu une impasse.