Le monde entier avait les yeux rivés sur l’Ukraine et la possibilité déflagration internationale en cas d’invasion russe, alors qu’une autre crise tout aussi dangereuse était en train de se jouer dans la région du Sahel.
Après les coups d’Etat successifs qu’ont connu certains pays pas comme le Mali ou le Burkina, donnant cette impression d’une irrésistible épidémie putschiste, la question de la présence français et européenne dans cette région pour lutter contre les organisations terroristes se posent aujourd’hui avec une grande acuité.
Le coup d’accélérateur à cette crise fut la décision des nouvelles autorités maliennes d’expulser hier l’ambassadeur de France à Bamako et les attaques de la junte contre le dispositif « Takuba », le 24 janvier, dénonçant le déploiement récent de troupes danoises au sein de cette force. Un renfort organisé « sans son consentement » qui aurait enfreint, selon elle, le « protocole additionnel » conclu entre le Mali et la France en 2020, régissant le déploiement des forces européennes.
Cette petite coalition de forces spéciales européennes devait pour Paris prendre progressivement la place des forces françaises de l’opération Barkhane. Elle avait pour mission des opérations chirurgicales contre le leadership des organisations terroristes. A son actif, déjà quelques faits d’armes mais la mission est loin d’être terminée.
La décision malienne de saborder de cette manière la force Takuba avait pris la diplomatie française de court . Comme en témoigne les violentes critiques doublées de lourdes menaces du ministre français des affaires étrangères à l’encontre des tenants du pouvoir à Bamako.
La déception et l’amertume française sont d’autant plus aiguës que les putschistes maliens semblent avoir adopté cette stratégie anti-française et anti-européenne sous la pression de la stratégie russe, dont le groupe paramilitaire Wagner est en train de devenir un acteur important de l’équation militaire et politique dans cette région si sensible et si perméable à toute la faune terroriste du continent.
Paris comme Bruxelles ont toujours fait de la présence du groupe russe Wagner une ligne rouge à ne pas dépasser. Or les putschistes de ce pays du Sahel ont transformé cette carte en moyen de pression et de chantage à l’égard de la France et de l’Europe .
Cette brusque frénésie sur le devenir de la force Takuba intervient à un moment clé où sous la pression domestique, Emmanuel Macron avait proposé de diminuer la présence française au Sahel , voire de retirer une grande partie des troupes.
Aujourd’hui, l’interrogation qui taraude les milieux politiques et militaires est la suivante : Faut-il accélérer cette tendance au retrait au risque de créer un grand vide sécuritaire qui pourrait être profitable à d’autres forces concurrentes ? Ou faut-il renforcer la présence militaire des français et d’autres pays pour espérer remporter la guerre contre les organisations terroristes dont l’accès au pouvoir dans certains Etats sahéliens est une menace vitale pour les intérêts de la France et de l’Europe ?
La France aura dans les prochaines semaines plusieurs occasions diplomatiques internationales pour tenter de concevoir une nouvelle stratégie et contrer la nouvelle donne politique dans cette région .
Trois leviers paraissent à portée d’activités diplomatiques françaises pour tenter de conjurer cette solitude d’action dont elle semble être frappée depuis cette épidémie de coups d’Etat au Sahel. Le premier est la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui dispose d’un arsenal de pressions économiques de proximité pour faire revenir les récalcitrants à la raison et à la modération.
Le second est le sommet annuel de l’union africaine qui pourrait être l’occasion d’établir un périmètre de sécurité hygiénique autour des états tentés par les mésaventures de déstabilisation. Et le troisième est le grand sommet prévu mi février à Bruxelles entre l’Union européenne, présidée par la France d’Emmanuel Macron, et l’Union africaine. Sommet historique dont l’ambition affichée est de créer une nouvelle doctrine de coopération entre l’Europe et L’Afrique.
Alors qu’elle est un acteur majeur dans la guerre contre le terrorisme dans cette région du Sahel, la France est aujourd’hui plus que jamais sous la pression de faire des choix d’une grande sensibilité politique. Certains pays avec lesquels elle avait établi de solides alliances militaires demandent ouvertement leur révision au risque de paver le chemin à l’accès de certains forces fondamentales au pouvoir, les putschistes étant tentés depuis toujours d’établir avec elles un deal de gouvernement.