El Mostafa Ramid ou la victimisation comme ligne de défense

Mercredi dernier, AtlasInfo.fr était le premier média à obtenir d’une source au sein de la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale, la confirmation selon laquelle la secrétaire récemment décédée du cabinet d’avocats de El Mostafa Ramid n’avait jamais été inscrite à la CNSS. Nous avions tenté, avant de publier cette information de joindre le ministre d’Etat en charge des Droits de l’Homme pour lui donner la parole, sans succès.

Cinq jours plus tard, il reste muré dans le silence mais alimente en coulisses l’idée selon laquelle il ferait l’objet d’un  « complot » fomenté « quelque part » contre lui.

En tant que journalistes, nous aurions pu être tentés d’y croire si depuis, le ministre d’Etat, deuxième personne la plus importante du gouvernement n’avait pas usé de moyens pour le moins contestables pour tenter de laver sa réputation et piétiner au passage, la mémoire de feue Jamila Bachar.

Pressions sur une famille en deuil

Il y a d’abord eu cet audio posté sur YouTube de Nacer Bachar, frère de feue la secrétaire du cabinet d’avocats du ministre, aujourd’hui géré par des membres de sa famille. Nacer Bachar a réagi, témoignant des qualités de El Mostafa Ramid et menaçant de poursuites l’auteur du message audio largement partagé sur WhatsApp, qui avait déclenché la polémique. A aucun moment la situation administrative de la défunte n’est évoquée par son frère.

La polémique grossissant, c’est le propre père de la défunte que le ministre fait monter au créneau avec une « attestation » dûment signée, datée du samedi 20 juin 2020 pour témoigner de la bonté du ministre et du fait que c’est sa propre fille, feue Jamila qui ne voulait pas être inscrite à la CNSS.

Colère et indignation

Il n’en fallut pas plus pour que l’affaire prenne une toute autre ampleur, provoquant des réactions en chaîne dans les réseaux sociaux et dans les médias, scandalisés de voir comment, El Mostapha Ramid a froidement utilisé la famille de la défunte pour tenter de cultiver l’image d’un homme de bien.

Dans un éditorial titré « Pour Mustapha Ramid, sa morale vaut plus que la loi » et mis en ligne dimanche 21 juin, le directeur de la publication de Yabiladi.com, Mohamed Ezzouak, ne cache pas son mépris. « Ne pas respecter la loi quand on est ministre constitue une faute politique grave. Faire porter la responsabilité de cette faute à la personne défunte, rajoute de l’indignité au comportement de hors la loi présumé », écrit-il.
Cela illustre le sentiment général suscité par cette tentative pour le moins   extravagante de se mettre hors de cause.

Une mise au point incertaine

Après avoir utilisé la famille de Jamila Bachar, le ministre fait monter au créneau l’avocat qui gère son cabinet depuis 2012, Abdelghani Idrissi. Il admet (enfin) que la secrétaire aux 24 années de bons et loyaux services n’était pas déclarée à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale. A en croire sa mise au point, El Mostafa Ramid avait pris ses distances avec le cabinet depuis qu’il a endossé le costume de ministre en 2012.

Mais Maître Idrissi ne peut pas nier qu’avant cette date, le ministre, bien qu’occuper par ses activités partisanes et parlementaires, ne soit pas au courant de qui travaille dans son cabinet et dans quelles conditions. Pourtant, Abdelghani Idrissi soutient n’avoir découvert qu’en 2019 que jamila Bachar n’était pas inscrite à la CNSS.

Informé de cette irrégularité, poursuit le neveu de Mostafa Ramid, le ministre aurait demandé la régularisation du dossier mais s’est vu opposer un refus catégorique de la défunte que ne voulait pas être inscrite à la CNSS. En bon samaritain, poursuit Me Idrissi, il aurait mis à la disposition de Jamila Bachar la somme de 230 000 dirhams le 23 Décembre 2019.

Pour résumer : El Mostafa Ramid n’était tout simplement pas au courant et quand il l’a su, c’est la défunte qui n’a pas voulu bénéficier d’une couverture médicale et de ses droits à la retraite.

Pour un avocat, ancien ministre de la justice et ministre d’Etat chargé des Droits de l’Homme, voilà une ligne de défense bien chancelante, à laquelle seuls ses affidés semblent vouloir croire.

Pourtant, reconnaître immédiatement la faute publiquement aurait pu épargner au ministre de sombrer dans une posture impardonnable aux yeux des internautes qui réclament sa démission, lequel ministre soutient en off qu’il fait l’objet d’un « complot ».

La victimisation comme posture

Élaboré par qui ? Dans quel objectif ?
Cette posture de « victime » du ministre du Parti de la Justice et du Développement n’est pas nouvelle. Il en a usé par le passé, à chaque fois qu’il a été en difficulté.

Comment lui accorder du crédit devant l’existence des faits et cet enchaînement de tentatives désespérées de manipuler l’opinion publique ?
C’est une situation que le chef de gouvernement Saad Eddine El Otmani peut difficilement ignorer.

Il y a la loi qui a été bafouée par un décideur politique censé faire dans l’exemplarité et les Marocains sont en droit de revendiquer toute l’honnêteté et la probité nécessaires à l’exercice de cette fonction, quel que soit le ministre ou son obédience politique.

Nul doute que cette autre affaire qui concerne, cette fois-ci, le ministre du Travail et de l’insertion professionnelle, Mohamed Amekraz, ajoutera aux interrogations et à la colère populaire.

Le jeune avocat, devenu ministre il y a quelques mois, emploierait également des personnes « au noir »» au sein de son cabinet situé à Agadir.

Une nouvelle « affaire » annoncée donc, révélé par le site Barlamane.com.
L’ironie du sort veut que Mohamed Amekraz préside le conseil d’administration de la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale.

 

 

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