Crise post-électorale : le Mozambique au bord de la guerre civile
Le Mozambique est au bord d’un conflit civil à grande échelle. La crise post-électorale due au rejet par l’opposition des résultats contestés des élections générales d’octobre dernier a entrainé ce pays d’Afrique australe dans le précipice.
Les manifestations ont dégénérée en émeutes lorsque le leader de l’opposition et candidat à la Présidentielle, Venâncio Mondlane, a accusé le parti au pouvoir de fraude électorale, rejetant les résultats des élections, ses partisans étant descendus dans les rues.
Lui emboîtant le pas, des analystes indépendants et d’autres dirigeants de l’opposition ont dénoncé des fraudes massives lors des élections, citant notamment l’inscription sur les listes électorales d’électeurs fantômes, le bourrage des urnes, les énormes écarts entre le nombre de votants et le refus d’autoriser les observateurs de l’opposition à assister au décompte des voix dans les bureaux de vote.
Face à ces accusations et aux pressions de la rue, la présidente du Conseil constitutionnel, Lucia da Luz Ribeiro, a admis qu’il y avait eu fraude, mais elle a minimisé son importance. Elle a déclaré que les «corrections» apportées par le Conseil aux résultats ont permis d’éviter un recomptage.
Mais, sans convaincre les manifestants. La position qualifiée de «partiale» du Conseil constitutionnel et de sa présidente ont alors attisé les violences post-électorales. Les émeutes se sont propagées dans plusieurs régions du Mozambique, particulièrement dans la capitale Maputo, où des barricades de pneus enflammés ont été érigées. Des émeutiers auraient également incendié des commissariats de police et des locaux du parti Frelimo.
Selon l’organisation de défense des droits de l’homme «Amnesty International», le bilan des affrontements depuis le début des manifestations qui ont suivi le scrutin d’octobre s’élève à plus de 300 morts, dans un pays qui n’avait pas connu de telles violences depuis la fin de la guerre civile, hormis les exactions commises par des groupes armés dans la province du Nord du pays, Cabo Delgado.
Profitant du chao qui règne dans le pays, plus de 1.500 détenus de la grande prison de haute sécurité de la capitale Maputo ont pris le large, alors que 33 autres prisonniers ont été tués dans des affrontements avec les gardiens de la prison, selon la police.
Un gouvernement d’unité nationale comme solution à l’instabilité ?
Alors que les manifestations violentes se poursuivent dans tout le pays déchiré par les conflits, des analystes politiques ont suggéré un gouvernement d’unité nationale comme solution à l’instabilité.
Roelf Meyer, homme politique sud-africain qui a joué un rôle clé dans la refonte constitutionnelle du pays, a rejoint un groupe d’experts appelant à la création d’un gouvernement d’union nationale au Mozambique pour apaiser les tensions politiques et assurer la stabilité.
«La solution pour le Mozambique est probablement un gouvernement d’unité nationale qui peut être formé par le dialogue», estime-t-il.
Idem pour l’économiste politique Sam Koma, qui a décrit la situation au Mozambique comme «un rappel tragique de la manière dont les élections sont gérées dans les pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC)».
«Ces pays, à l’exception du Botswana et de l’Afrique du Sud, ont une historique de résultats électoraux contestés», a-t-il dit, notant que les protagonistes au Mozambique ne pourraient parvenir à la stabilité qu’en envisageant de former un gouvernement d’union nationale en vue d’assurer le partage du pouvoir.
Pour sa part, Roland Henwood, professeur de sciences politiques à l’Université de Pretoria, soutient qu’un gouvernement d’union nationale au Mozambique ne pourrait fonctionner que «si toutes les parties sont prêtes à faire des compromis et à travailler ensemble».
Le Mozambique est entré dans «un cycle d’instabilité», a-t-il fait constater, estimant que cette situation est probablement le résultat de nombreuses années de mauvaise gouvernance et d’une perte de légitimité et une perte de confiance qui en résultent.
Et d’ajouter que le manque de réaction et d’orientation de la part de la Communauté de développement de l’Afrique australe et de pays comme l’Afrique du Sud «est révélateur du leadership médiocre et égocentrique qui est au cœur d’une grande partie de ce qui se joue».
Dans l’attente d’une solution à la crise post-électorale qui n’a que trop tardé, la «répression sanglante» des manifestants continue et le bras de fer entre l’opposition et le parti au pouvoir, le Frelimo, se durcit encore davantage.
Ce que tout le monde craint le plus, c’est évidemment le glissement du Mozambique vers l’abîme.