Affaire Mila/président du CFCM: « Convaincre par le dialogue, ne jamais céder à l’esprit de vengeance »

Dans une tribune publiée ce vendredi dans le magazine « Marianne », le président du CFCM Mohammed Moussaoui a assuré jeudi accepter la critique de l’islam tout en déplorant qu’elle serve souvent de « paravent » à la stigmatisation des musulmans, nouvelle illustration du débat brûlant sur la liberté d’expression relancé par l’affaire Mila.

« La liberté d’expression est fondamentale », répète, depuis le début de l’affaire, le nouveau président du Conseil français du culte musulman (CFCM) Mohammed Moussaoui. « Elle est source d’enrichissement et de progrès par la diffusion d’idées et d’opinions qu’elle permet. Elle est le fondement de notre démocratie et le rempart contre toutes les formes d’aliénation. La critique des religions fait partie de cette liberté. Nous devons accepter que l’islam soit critiqué y compris dans ses principes et fondements », a–t-il poursuivi.

« Face à ces critiques, les musulmans ont le devoir et le droit d’expliquer et d’argumenter dans la paix et le respect. Nous devons accepter tous les débats et refuser toutes les violences », a ajouté M. Moussaoui.

Mila, une lycéenne de 16 ans, a été menacée il y a plus de deux semaines, après avoir critiqué avec virulence l’islam dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, en réponse à des insultes.

Dans cette affaire aux ressorts multiples et qui a suscité de vives réactions y compris au sein de la classe politique, le droit au blasphème, ce droit à pouvoir critiquer les religions, a été défendu, en premier lieu par l’intéressée, qui a confirmé ses propos lors d’une interview sur TMC lundi.

« Nous devons accepter que l’islam soit critiqué y compris dans ses principes et fondements », poursuit-il, en condamnant « les intimidations » dont la jeune fille fait l’objet. « Certains musulmans (…) ne font que renforcer et développer la caricature de tous ceux qui veulent réduire l’islam à l’intolérance et à la violence ».

Le président du CFCM appelle à « convaincre par l’échange et le dialogue et ne jamais céder à la bassesse et à l’esprit de vengeance », estimant que « Ces débordements et ces intimidations sont injustifiables tant vis-à-vis des préceptes de la religion musulmane qu’au regard de la loi républicaine dans laquelle s’exerce notre culte. Elles ne font que nous enliser dans des polémiques et débats qui altèrent la pleine inclusion dans notre nation. »

Pour autant, M. Moussaoui rappelle, plus généralement, que « trop souvent, le droit de critiquer notre religion sert de paravent à la mise à l’index des musulmans. Trop souvent, il sert à justifier des formes d’exclusion ou de ségrégation », déplore-t-il.

Pour M. Moussaoui, « ce qui fragilise notre nation, c’est l’oubli de la troisième valeur de notre devise nationale : la fraternité ». « En faisant de l’islam le bouc émissaire de tous les maux du pays, certains creusent un fossé dangereux entre les citoyens. Nous devons nous rappeler sans cesse que la liberté se met elle-même en danger si elle oublie la fraternité et le respect de l’égale dignité. »

« La fraternité ne donne pas lieu directement à des déclinaisons juridiques et normatives, mais elle est l’indispensable ciment entre tous les citoyens quelles que soient leurs convictions religieuses ou philosophiques », note-t-il.

Quelle est la frontière entre liberté d’expression et propos racistes ? 

En France, ce sont les dispositions de la loi Pleven de 1972, qui s’incorporent dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui régissent les infractions de propos racistes. « Elles départagent entre deux principes: ce qui procède de la liberté d’expression et ce qui constitue un discours raciste », explique à l’AFP Basile Ader, avocat spécialisé en droit de la presse.

Selon ces dispositions, « on peut moquer et critiquer la religion et ses symboles, mais on ne peut pas moquer ou diffamer ou provoquer au rejet des musulmans ». « Autrement dit, on peut moquer l’islam mais pas les musulmans », résume-t-il. Mais, « souvent, la frontière entre le fait qu’on moque une religion ou ses adeptes est très fine et compliquée à établir », relève M. Ader.

Pour le président du CFCM, « La justice doit être saisie chaque fois que la frontière entre l’expression libre et la volonté délibérée d’offenser est franchie ».

Le parquet, en plus d’une enquête sur les auteurs des menaces visant la jeune fille, avait initialement ouvert une enquête pour « provocation à la haine à l’égard d’un groupe de personnes, en raison de leur appartenance (…) à une religion déterminée ».

« L’islam, c’est de la merde (…) Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir », disait Mila dans sa vidéo, devenue virale. Mais l’a classée sans suite quelques jours plus tard. Il n’y avait pas de « volonté d’exhorter à la haine ou à la violence contre des individus », a expliqué le procureur.

Un sondage paru dans Charlie Hebdo mercredi montrait que les Français dans leur ensemble, croyants ou non, sont partagés – à 50% pour, et 50% contre – sur le droit de pouvoir critiquer les religions.

 

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