Lior Ben Dor: « Au sein de chaque famille israélienne, il y a un membre qui a des racines marocaines »
Après l’Egypte en 1979 et la Jordanie en 1994, les Émirats arabes unis est le troisième pays arabe à reconnaître officiellement l’Etat d’Israël. Cette normalisation intervient alors même qu’aucune solution ne se dessine dans le conflit israélo-palestinien depuis de très longues années. Dans une interview au site marocain Goud.ma, Lior Ben Dor, directeur Egypte et Maghreb au ministère israélien des Affaires étrangères revient sur cet accord, qui sera acté en septembre à Washington, et aborde également la position du Maroc pour qui l’approche de dialogue demeure le seul moyen efficace pour parvenir à une solution équitable et durable au conflit palestino-israélien afin de permettre au peuple palestinien d’exercer son droit légitime d’établir son État indépendant avec Al-Qods-Est comme capitale.
Pour le diplomate israélien, Lior Ben Dor, Israël est « prêt à reprendre le processus de paix et à revenir à la table de négociations », estimant que « tout accord de paix que nous signons avec n’importe quel pays arabe participe à consolider la paix, la stabilité et la prospérité économique ».
Sur le Maroc dont il est originaire, Lior Ben Dor rappelle qu' »il y a plus d’un million de citoyens israéliens nés au Maroc ou qui ont de la famille issue du Maroc », avant d’ajouter qu’ »au sein de chaque famille israélienne, il y a un membre qui a des racines marocaines ».
« Les israéliens d’origine marocaine n’oublieront jamais la fraternité, la tolérance et la cohabitation pacifique qu’ils ont vécues sur la terre de leurs ancêtres au Maroc pendant des siècles. C’est pour cela qu’ils constituent un solide fondement pour développer nos relations avec le Maroc », souligne-t-t-il. dans cette interview accordée à nos confrères du site arabophone Goud .
Israël a conclu trois accords de paix avec les pays arabes. Le premier avec l’Égypte, le deuxième avec Jordanie et le troisième avec les Emirats arabes unis. Pour vous, quelles différences y a-t-il entre ces trois accords ?
Lior Ben Dor: Tout accord de paix que nous signons avec n’importe quel pays arabe participe à consolider la paix la stabilité et la prospérité économique. L’Égypte et la Jordanie ont des frontières directs avec Israël et ont mené des guerres contre nous . Ils ont compris, comme nous, l’importance de sortir du cercle de la violence pour aborder la paix . La paix avec les Emirats n’a pas moins d’importance que la paix avec l’Égypte et la Jordanie. Et le fait que les Emirats se joignent à la paix sert les intérêts de millions de gens dans notre région. La paix avec les Emirats renforcent l’axe des forces qui croient en la modération, à la science et à l’innovation.
Que vont gagner les Emirats arabes unis à travers cet accord de paix. Certains disent que seul Israël en est bénéficiaire ?
Toutes les parties vont profiter des fruits de la paix . Il y a de nombreuses idées et initiatives pour monter des projets économiques, agricoles et des projets pour avoir de l’eau douce, la désertification et lutter contre le Coronavirus, Comme il y a des projets dans la recherche scientifique médicale et dans le secteur touristique. Nous parlons ici de l’investissement dans une nouvelle génération. Une génération qui en a assez des slogans anciens et creux qui parlent que d’agressivité et de haine. Cette génération regarde l’avenir et connaît la valeur des efforts pour améliorer la vie quotidienne. Ce que nous voulons c’est de laisser une empreinte positive dans l’intérêt des générations à venir.
Durant la visite de Mike Pompeo à Rabat il y a quelques mois, des rumeurs évoquaient qu’il était porteur d’un projet qui viserait à préparer le terrain à des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, suivi d’une visite Netanyahou au Maroc. Qu’en est-il exactement ?
Les États-Unis jouent un rôle primordial dans la construction de ponts entre Israël et les pays arabes. Et tout le monde sait comment l’Amérique a permis la paix avec l’Égypte et la Jordanie, ainsi que leur rôle dans l’établissement des relations entre Israël et l’Autorité palestinienne. Et pourtant en fin de compte il n’y a pas d’alternative à la volonté de paix de chacun. Les Américains jouent uniquement les facilitateurs. Vous pouvez traîner un chameau pour boire mais le chameau ne boira que s’il en a envie.
L’expérience avec le Maroc à travers le bureau de liaison a été un échec. Après ces année quels sont les causes de cet échec ?
Au début de la réconciliation entre israéliens et palestiniens en 1993, il y a eu un rapprochement entre Israël et le Maroc. Nous avons entretenu des relations officielles. Il y a eu l’ouverture d’une représentation diplomatique marocaine à Tel-Aviv et un bureau de liaison israélien à Rabat. A travers leurs activités, nous avons réussi à construire des relations entre les citoyens des deux pays. Nous avons lancé des projets économiques agricoles, ainsi que le développement des relations touristiques. Mais en 2000 avec la seconde Intifada, le Maroc a mis fin à ses relations officielles avec nous et a procédé à la fermeture de son bureaux de représentation. A mon avis, même s’il y avait des divergences politiques, il existe divers moyens pour les surmonter et souvent on regrette nos décisions. Il ne faut pas oublier que ni l’Égypte ni la Jordanie n’ont coupé leurs relations avec nous quelque soient la profondeur de nos divergences. Et si un pays ambitionne de jouer un rôle dans le processus de paix, il lui faut maintenir des canaux de communication et de dialogue avec tous les pays y compris Israël.
Des milliers d’israéliens sont originaires du Maroc. La culture marocaine est présente en Israël Que veut dire pour ce pays l’établissement de relations avec le Maroc ?
En Israël, il y a plus d’un million de citoyens nés au Maroc ou qui ont de la famille issue du Maroc. Nous pouvons affirmer qu’au sein de chaque famille israélienne, il y a un membre qui a des racines marocaines. Les Marocains Israël brillent dans de nombreux domaines: la politique, l’économie les arts, le cinéma, la musique le monde académique. Ils sont connus pour préserver précieusement leurs relations avec la civilisation et la culture marocaine. Ils parlent couramment le dialecte marocain et chantent des chansons marocaines. Il y a même un théâtre marocain chez nous. Les israéliens d’origine marocaine n’oublieront jamais la fraternité, la tolérance et la cohabitation pacifique qu’ils ont vécues sur la terre de leurs ancêtres au Maroc pendant des siècles. C’est pour cela qu’ils constituent un solide fondement pour développer nos relations avec le Maroc.
Nous suivons au Maroc l’annonce des relations entre Israël et les Emirats. Croyez-vous que le royaume du Maroc est prêt à un rapprochement entre Rabat et Tel-Aviv ?
Nous espérons que la paix avec les Emirats encouragera d’autres pays arabes à élever le niveau de leurs relations avec Israël. Nous espérons que les transformations intellectuelles et politiques dans notre région puissent élargir le cercle de la paix.
Certains politique israéliens d’origine marocaine ont averti Rabat de ne pas envisager un accord tant que Netanyahou n’a pas trouvé de solutions avec les palestiniens. Est-ce que cela veut dire qu’une ambassade marocaine à Tel-Aviv est un projet difficile à atteindre ?
Nous ambitionnons de résoudre le conflit avec nos voisins palestiniens. Il y a unanimité en Israël autour du concept de la paix. La paix est partie intégrante de notre culture et de notre éducation. Parallèlement à nos efforts pour cohabiter pacifiquement avec les palestiniens, nous menons des efforts sans relâche pour construire des ponts avec l’ensemble des pays arabes.
La position du Maroc depuis Feu Hassan II est la suivante : la solution de deux Etats avec Al Qods-Est comme capitale. Cette solution est-elle toujours viable ?
Nous allons poursuivre nos efforts pour résoudre les problèmes avec les palestiniens malgré les obstacles incarnés par des organisations palestiniennes qui ne reconnaissent pas Israël et qui s’opposent à tous les accords de paix signés par l’Autorité palestinienne pour combattre le terrorisme. De notre côté nous, somme prêts à reprendre le processus de paix et revenir à la table de négociations. Là où chacun peut parler de ses priorités.
Les relations entre Israël et le Maroc ne sont pas coupées. Il y’a un échange commercial même timide. Il y a la visite de dizaines d’israéliens d’origine marocaine. Quels sont les secteurs de coopération appelés dans l’avenir ?
Nous pouvons élargir notre coopération dans le domaine touristique ainsi que des projets économiques agricoles et commerciaux. Ce qui est certain c’est qu’en présence d’un cadre politique adéquat et d’un soutien institutionnel, les possibilités et les capacités sont immenses. À la fin je voudrais remercier Goud de m’avoir permis de dialoguer directement avec le peuple marocain.