L’Algérie mérite mieux
Cent vingt-cinq députés de l’Alliance présidentielle d’Abdelaziz Bouteflika viennent de signer une proposition de loi visant à « criminaliser le colonialisme français », entre 1830 et 1962.
Ce nouveau jet d’acide sur la cicatrice franco-algérienne remet en question le voyage à Alger que devait effectuer Nicolas Sarkozy. Lors de sa dernière visite, en décembre 2007, le chef de l’État avait qualifié le système colonial d’« injuste par nature », mais il avait repoussé toute idée de repentance, qualifiée de « haine de soi ». Deux ans plus tard, le FLN et ses amis reprennent leur offensive, sans raison apparente, sauf que… ce nouvel accès de fièvre antifrançaise s’explique par une série impressionnante de scandales financiers dans lesquels se trouve empêtrée la nomenklatura politique algérienne.
Des enquêtes ont mis au jour le pillage institutionnalisé des ressources naturelles et des finances publiques, du haut en bas de l’administration. Ce système de rapine organisée concerne la puissante société pétrolière et gazière Sonatrach, tirelire du pays (120 000 salariés, 98 % des exportations, 60 % des recettes de l’État), dont l’ancien PDG, l’un des hommes les plus influents du pays, a été placé sous contrôle judiciaire, mais aussi plusieurs établissements bancaires, dont la Banque nationale, la gestion des ports et de la pêche, les grands projets autoroutiers (l’axe Est-Ouest).
Réélu l’an dernier, Bouteflika a fait de la lutte contre la corruption un axe majeur de son nouveau mandat. Quelques têtes tomberont, mais le président algérien connaît les limites à ne pas dépasser. Ses “amis”, civils et militaires, ne laisseront pas les enquêtes remonter au cœur des premiers cercles du pouvoir, aux affaires depuis 1962. Leur réaction est cette nouvelle campagne antifrançaise, une ficelle de plus pour un régime vieillissant, toujours prompt à donner des leçons afin de s’exonérer de la responsabilité dans le marasme économique et social qui paralyse le pays.
Valeurs actuelles
Pays richement doté en hydrocarbure et en ressources naturelles agricoles, l’Algérie ne mérite pas cette situation. Elle avait tous les atouts pour être l’une des premières puissances méditerranéennes. Le Maroc et la Tunisie l’ont dépassée. Son immense capital a été gaspillé par un demi-siècle de prédations et de violences. L’Algérie doit quasiment tout importer. Malgré ses colossales recettes gazières et pétrolières (150 milliards de dollars de réserves), elle est incapable de proposer un avenir à sa jeunesse. Les cadres, les intellectuels, les artistes, les jeunes n’ont qu’un rêve : fuir. À Alger, un mot revient dans toutes les conversations : “visa”. L’Algérie mérite mieux.
Frédéric Pons
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