Les universitaires protestent contre les incidents survenus dans une faculté près de Tunis, où les islamistes perturbent le bon déroulement des cours et cherchent à imposer le niqab (voile islamique intégral) aux étudiantes. Ils sont rejoints dans leur mouvement par des tunisiens anonymes, soucieux de l’avenir de leur pays et aussi par de nombreuses femmes. « Les fanatiques devront passer sur nos corps pour imposer leur vision de la Tunisie », a avertit une manifestante, employée dans le tourisme. « Ma liberté est ma religion », a-t-elle écrit sur un panneau. Nour Chelbi, une femme au foyer de 62 ans est elle aussi outrée. « Celles qui y tiennent peuvent aller vivre au Yémen ou au Qatar, mais nous ne régresserons pas », a-t-elle confié à l’AFP.
Dans le même temps, les ouvriers mineurs de Gafsa manifestent eux aussi leur mécontentement à Tunis. Il faut dire que cette région minière du centre du pays a déjà été secouée par des violences la semaine dernière après la publication des résultats jugés « truqués » d’un concours de recrutement à la Compagnie des Phosphates de Gafsa. Ces mineurs sont désormais déterminés à camper devant l’Assemblée. « Le travail est un droit, bande de voleurs ! » peut-on lire sur une banderole. « On n’a pas fait la révolution pour cela ! Les gens ont faim, n’ont pas d’emploi et la corruption sévit toujours », a déclaré le leader communiste Hamma Hammani.
D’autres manifestants craignent les tentatives de monopolisation du pouvoir par les islamistes au sein de l’Assemblée. « Ce mouvement de protestation a pour but d’exiger un meilleur équilibre entre les prérogatives du président de l’Assemblée et des futurs chefs de l’Etat et du gouvernement », estime Jawhar Ben Mbarek, le président de la liste Doustourouna. Son collègue, Radhi Ben Hassine, organisateur du rassemblement explique : « Nous revendiquons le principe de l’équilibre pour doter chaque autorité du pouvoir de prise de décision qui lui revient ».
Un mois et demi après les élections du 23 octobre, la Tunisie piétine et n’a toujours pas de gouvernement. Le parti Ennahda, qui totalise le plus grand nombre de sièges (89 sur 217) est accusé de vouloir concentrer tous les pouvoirs entre les mains du futur Premier ministre, le numéro 2 du parti Hamadi Jebali.
Les manifestants dénoncent à ce propos des prérogatives illimitées pour le futur chef du gouvernement, et, à l’inverse, un président au pouvoir quasi inexistant. « Non au président fantoche », pouvait-on encore lire sur des pancartes.
Certains pointent même le risque d’un retour à la dictature.
Autre revendication : le vote de chaque article de la Constituante avec une majorité qualifiée des 2/3 (ce qui se fait normalement dans le cas d’une Assemblée Constituante), et cela alors qu’Ennahda plaide pour la majorité simple, ce qui lui donnerait de facto un avantage certain dans la prise de décisions cruciales pour l’avenir de la Tunisie.