Face à l’impératif géopolitique, l’UE fait le choix de l’élargissement
Aujourd’hui, alors que la guerre russo-ukrainienne continue d’alimenter le ‘’choas géopolitique’’ au-delà des frontières et des sphères d’influence du Vieux-Continent, la question d’un nouvel élargissement européen revient au-devant de la scène politique. A un peu plus d’un mois des élections européennes, elle traverse en filigrane les principales thématiques de la prochaine législature. A commencer par l’économie et en passant par la sécurité, la démocratie ou l’état de droit.
Si, en 2004, le scepticisme gagnait de larges pans au sein des États fondateurs et des opinions publiques des futurs adhérents, le constat est que les adeptes de l’élargissement sont plus nombreux, ou du moins plus visibles. Selon le dernier Eurobaromètre, publié mi-avril, à la question de savoir si l’appartenance à l’UE est une bonne chose, soixante pour cent des citoyens européens pensent que oui. A la question de savoir si la présence au sein de l’UE profite à leur pays, 71 % des citoyens européens répondent par l’affirmative.
Les explications avancées balancent autour de la réponse ‘’efficace’’ de l’UE aux nombreuses crises économiques, sociales, sanitaires et sécuritaires de ces deux dernières décennies. En temps de ‘’risques géopolitiques’’ et de menaces plurielles, le parapluie européen semble, estime-t-on, attirer davantage.
Et ce n’est pas les responsables des principales institutions européennes (Commission, Conseil, Parlement) et autres europhiles qui diraient le contraire. Leur argumentaire : Avec toutes ses frustrations et ses imperfections, l’UE reste la meilleure garantie et l’effet transformateur de l’élargissement de l’UE sur la vie de générations d’Européens ne fait point de doute.
‘’Le premier mai 2004, c’était le début d’une nouvelle ère de promesses. La promesse que tous les Européens puissent être maîtres de leur destin. Une promesse de liberté, de stabilité, de paix, de prospérité’’, a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la semaine dernière devant le Parlement européen à Strasbourg.
‘’En vingt ans, la promesse a été tenue. Les économies des nouveaux États membres ont prospéré, la production agricole a triplé, le taux de chômage a été réduit de moitié. C’est le pouvoir de l’Europe : on a réalisé un véritable miracle économique dans ces pays’’, a-t-elle dit.
Pour le président du Conseil européen, Charles Michel, un europhile convaincu, l’élargissement de l’UE a été ‘’incontestablement une réussite’’. D’autant plus que, à ses yeux, c’était pour les dix États membres qui ont adhéré à l’UE en 2004 un ‘’enjeu existentiel que de rejoindre cet idéal européen’’.
Aujourd’hui, ‘’face au chaos géopolitique, notre choix stratégique est à nouveau celui d’un élargissement. Imaginez-vous dans quelle situation on se serait trouvé, en février 2022 (déclenchement de la guerre en Ukraine, NDLR), si nous n’avions été que quinze, avec, dans notre voisinage, des pays plus faibles sur le plan institutionnel et économique ?’’, s’interroge-t-il, cité par des médias européens.
Il y va sans dire que, d’après nombre d’analyses, la guerre en Ukraine a favorisé une nouvelle impulsion pour la stratégie d’élargissement. Et cela ne devrait pas changer dans les prochaines années.
Charles Michel fixe un cap. ‘’Nous devons avoir l’ambition commune d’être prêts pour 2030. Je suis confiant que le prochain cycle institutionnel confirmera notre volonté politique d’élargir. Je ne dis pas qu’on aura élargi en 2030, je dis qu’on doit être prêts’’. Et de s’interroger : ‘’Quelle est l’alternative ? Procrastiner pendant des décennies comme on l’a fait avant ? Ce serait une erreur, terrible et irresponsable’’.
Romano Prodi, qui présidait la Commission européenne de 1999 à 2004 et qui a finalisé les négociations d’adhésion pour les dix nouveaux États membres, est, lui, plus nuancé. En raison de nombreux défis, notamment la complexité des règles et de la machine institutionnelle.
‘’On est la seule instance collective au monde à utiliser la règle de l’unanimité. Nous sommes ridicules. Surtout avec les USA et la Chine qui nous étranglent sur le plan économique, technologique. Petit à petit, les gens comprennent que le droit de veto peut être dangereux, même pour les États qui l’utilisent’’, assène-t-il.
D’après lui, l’UE sera obligée de changer les règles. ‘’Pas seulement à cause de l’élargissement : c’est déjà impossible maintenant. Et ce n’est pas que les nouveaux se comportent différemment des anciens, c’est juste que le système est complexe. Les règles fonctionnaient quand on était à six, mais pas plus. Au-delà, à quinze ou 25, cela devient complexe ! A 35 ou presque 40, ce sera impossible’’, estime-t-il.