Mixité à la mosquée : une première congrégation dirigée par une imame se lance à Paris

Ahmed Sfaxi extrait du sac trois tapis de prière multicolores, attrape les mains de ses deux filles et se fraye un chemin au milieu des fidèles. Pour la première fois, ce musulman pratiquant peut prier en public côte à côte avec elles.

« A la mosquée on est séparé d’habitude, et elles n’aiment pas trop ça, alors j’y tenais », témoigne ce père de famille, qui participait vendredi à Paris, à la prière inaugurale de la mosquée Fatima.

Cette communauté, qui peine à trouver un lieu de culte définitif, est l’une des premières congrégation musulmane de France à être dirigée par une femme et à prôner la mixité, hommes et femmes pouvant prier ensemble. « C’est un moment extraordinaire qui initie un courant libéral pour l’islam de France », commente, enthousiaste Kahina Bahloul en voyant les premiers participants arriver.
« Les membres de notre communauté sentent que leur façon de vivre, leur religion n’est pas en adéquation avec les mosquées d’aujourd’hui, que l’on dirait sorties du VIIe siècle, c’est plus possible de continuer à vivre comme ça », estime celle qui est l’une des trois imames de France.

Une trentaine de fidèles, prennent position dans la salle louée pour l’occasion, assis en tailleur sur les tapis disposés au sol et orientés vers le sud-est, vers la Mecque.

Parmi eux, une minorité de femmes voilées, d’autres en jean ou en tuniques longues, deux adolescentes, plusieurs musulmans convertis, un chef d’entreprise venu pendant sa pause déjeuner ou un adolescent d’origine pakistanaise engoncé dans sa doudoune.

« Mesdames, n’hésitez pas, vous pouvez vous mettre au premier rang », lance le co-animateur de cette prière, l’imam Faker Korchane, philosophe de formation. Face à l’hésitation des participantes, sa consoeur, Kahina Bahloul tempère : « nous comprenons que pour les prosternations, il n’est pas évident d’être en contact avec le sexe opposé ».

« Islam invisible »

Pendant près d’une heure, l’imame Bahloul, la voix posée et solennelle, appuyant les silences mène la prière hebdomadaire du vendredi. D’abord l’appel, puis les invocations rituelles, un prêche dédié à la thématique de « l’amour universel » et enfin la prière, rythmée par les prosternations.

« Je la suis sur les réseaux, et je trouve l’idée super, j’adhère totalement à l’islam progressiste. Je pratique chez moi, cet islam qui est invisible pour le reste de la société », dit Aicha Rabah, 60 ans, qui dit se rendre à la mosquée uniquement pour les grandes fêtes.

Au fond de la pièce, Hanifa, une jeune étudiante est ravie de ce premier office. « Ca fait un an que j’attendais ce moment et j’ai le sentiment d’un rétablissement, quelque chose qui répare cette injustice d’avoir dû prier séparément », affirme Hanifa, étudiante. Son mari, Adel, un artiste algérien récemment immigré en France, n’avait lui pas mis les pieds dans une mosquée depuis plus de dix ans.

« Je l’ai fait parce que ma femme peut m’y accompagner, parce qu’elle peut être à mes côtés et pas dans une cave », assène, avec un peu de provocation, le jeune homme en référence aux salles de prières pour femmes, souvent installées en sous-sol, ou en mezzanine dans les mosquées, qu’il a désertées.

La jeune imame prend ensuite un moment pour saluer l’assemblée, recueillir les impressions ou poser pour un selfie, qui doit immortaliser ce moment « historique ».

« Ce qui m’a beaucoup touché c’est de voir que beaucoup de gens dans la salle fermaient les yeux et écoutaient. Ce qui les intéressait ce n’était pas de voir une femme ministre du culte, mais de prendre ce que je leur donnais et se nourrir spirituellement peu importe mon genre », conclue Kahina Bahloul.

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