Syrie: l’OTAN se heurte à la Russie et à la Chine

Les Occidentaux et les monarques du Golfe sont choqués par la rebuffade que leur ont infligée la Russie et la Chine au Conseil de sécurité. Cette amertume prend deux formes : d’une part, les médias déplorent que les grandes puissances se divisent alors que « les massacrent continuent » ; d’autre part, ils accusent Moscou de privilégier ses intérêts stratégiques et commerciaux par rapport aux droits humains. Tous font l’impasse sur la position de Pékin, pourtant tout aussi claire que celle de Moscou, mais qu’ils ne parviennent pas à relier à des intérêts directs.

Certains commentateurs développent des arguments pour convaincre la Russie et la Chine de changer de position. Cependant, ces éditoriaux semblent plus destinés à montrer aux lecteurs occidentaux que l’on a tout tenté en vain. En effet, les arguments choisis ne peuvent qu’être mal ressentis par leurs destinataires : ces commentateurs leur reprochent de manquer de principes, alors que c’est précisément au nom de leurs principes que Russes et Chinois ont posé leur veto.

En définitive, tout laisse à penser qu’après avoir envisagé ces derniers jours de déchaîner les foudres de l’OTAN, les Occidentaux ne souhaitent pas risquer un conflit mondial et préfèrent clore le dossier. Si cette interprétation devait se confirmer, il leur resterait à mettre en scène cette sortie de crise pour éviter qu’elle n’apparaisse comme une reculade, illustrant la fin de leur domination unipolaire.

• Dans Le Monde, Christophe Ayad prend au pied de la lettre les confessions vidéos des cinq ingénieurs iraniens détenus par l’Armée syrienne libre, ce qu’il refuserait de faire pour autre otage détenu dans le monde. Il s’agirait donc de Gardiens de la révolution agissant sous couverture, ce que confirmerait leur tenue vestimentaire et la présence sur la vidéo d’un fusil de sniper. Au passage l’auteur informe ses lecteurs avec quelques semaines de retard de la parution de la « preuve de vie » des otages dans un reportage de Paris-Match (voir notre enquête : « Le fiasco des barbouzes français à Homs », par Boris V.). Christophe Ayad admet que les ingénieurs étaient alors vêtus en civils. Il s’ensuit que leurs vêtements dans la vidéo sont une mise en scène. L’auteur ne relève pas qu’il en est de même pour le fusil Dragonov. En effet, dans le même reportage de Paris-Match, ce fusil est utilisé par des membres de la brigade qui a enlevé les Iraniens.

• Toujours dans Le Monde, Peter Harling de l’International Crisis Group (ICG) observe qu’il est impossible de dire comment évolueront les révolutions arabes. Pour éviter le pire, il convient avant tout, poursuit-il, de diminuer la tension. Par conséquent, ce n’est pas le moment d’attaquer la Syrie. Après celle de Gareth Evans, cette tribune libre est la seconde en trois jours écrite par l’ICG et diffusée par Project Syndicate (deux organisations de George Soros) pour remettre la guerre de Syrie à plus tard.

• La Tribune de Genève assure qu’il faut laisser le temps aux Russes pour qu’ils acceptent un compromis. Une fois l’élection présidentielle passée, Poutine pourrait lâcher el-Assad. Il est donc urgent d’attendre.

• Dans le Diario de Noticias, Lumena Raposo, reprend les imputations d’El Pais : la Syrie aurait libéré un théoricien d’Al-Qaida, Mustafa Setmarian Nasr al-Suri, pour irriter les Etats-Unis.

• L’éditorial du National Post met en garde contre l’engrenage que représenterait une guerre contre la Syrie et préconise d’attendre que le régime tombe de lui-même, ce qui ne saurait tarder. Le quotidien néo-conservateur canadien publie également une lettre d’un président d’université assurant que Bachar el-Assad n’est pas un tyran, mais un réformiste captif de ses généraux. Il serait donc contre-productif de demander sa démission.

• Mona Amami rapporte dans USA Today que le soutien du Hezbollah à l’administration el-Assad est susceptible de lui aliéner une partie de l’opinion publique arabe. La conclusion induite est toujours la même : les États-Unis n’ont pas intérêt à renverser tout de suite le régime syrien.

• Le responsable de la rubrique Iran dans le New York Times, Rick Gladstone, imagine qu’un renversement du président el-Assad aurait de lourdes conséquences pour l’Iran. À la condition que ce changement de régime vienne de l’intérieur.

• De nombreux médias, dont L’Orient-Le Jour, reprennent à leur compte des citations extraites du rapport des observateurs de Ligue arabe, sorties de leur contexte. Ils en concluent que les observateurs étaient incompétents et sans moyens de travail et font l’impasse sur le fond de leur travail.

• Dans une déclaration à L’Orient-Le Jour, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, invite les chrétiens de Syrie à se désolidariser d’un régime qui n’a pas d’avenir. Il y a une certaine maladresse à menacer une communauté confessionnelle en lui offrant de sauver ses intérêts matériels si elle renie ses principes.

• Michael Young s’interroge dans le Daily Star : pour faire usage de leur veto, les Russes regardent-ils les mêmes télévisions que nous ? La réponse qui ne lui vient pas à l’esprit est évidemment, les Russes ont d’autres sources d’information et par conséquent une autre vision des événements.

• La presse chinoise consacre de gros titres au veto, soulignant que Beijing défend des principes fondamentaux (souveraineté des peuples, non-ingérence dans les affaires intérieures) selon l’esprit et la lettre de la Charte des Nations-Unies dont les Occidentaux font peu de cas.

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