Séparatisme: le gouvernement défend son « remède » devant les députés
Coup d’envoi de deux semaines de débats hautement sensibles: l’Assemblée nationale a entamé lundi en séance plénière l’examen du projet de loi contre le « séparatisme », qui doit renforcer l’arsenal contre l’islamisme radical, un « remède » pour un « pays malade ».
Après une cinquantaine d’heures d’auditions, puis autant pour le passage au crible des articles en commission spéciale, les députés abordent depuis 16H00 dans l’hémicycle ce copieux texte « confortant le respect des principes républicains ».
Gouvernement et majorité défendent un texte « d’équilibre » sur un sujet délicat dans un pays où tout ce qui touche à la laïcité, au coeur du pacte républicain, est inflammable.
« Notre pays est malade d’un séparatisme dont le premier d’entre eux, l’islamisme, gangrène notre unité nationale », a déclaré le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
Pour M. Darmanin qui pilote côté gouvernement le projet de loi « séparatisme », la laïcité qui garantit « la pluralité religieuse, la neutralité de l’Etat et de ses agents, la liberté de culte », est le « remède contre une partie de ce qui nous ronge ».
« Ce texte, cette majorité ne combat pas les religions », mais « l’OPA islamiste », a fait valoir le ministre alors qu’une partie de l’opposition de gauche, notamment Jean-Luc Mélenchon accuse le gouvernement de vouloir « stigmatiser » les musulmans.
Pour appuyer son propos et alors que le texte prévoit de durcir les possibilités de fermeture des lieux de culte, Gérald Darmanin a ouvert la voie à une réouverture précoce de la mosquée de Pantin (Seine-Saint-Denis) fermée pour six mois car accusée par les autorités d’avoir relayé des propos ayant conduit à l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre.
« Les fidèles de la mosquée font le ménage chez eux », a félicité le ministre.
Exécutif et responsables de la majorité ont jusqu’ici réussi à désamorcer les polémiques internes ou venues des oppositions de droite comme de gauche, comme par exemple sur la question du voile.
« Le texte a été bien mené en amont et ça a créé un climat apaisé dans la forme. On a fait mentir ceux qui prédisaient que ça allait être une boucherie politique », se félicite un député LREM.
Cela n’empêche pas l’offensive des oppositions, en particulier à droite.
Le patron des députés LR Damien Abad déplore que le projet fasse l’impasse sur la « question migratoire, la radicalisation dans nos prisons ou dans nos entreprises privées ».
Les LR dévoileront mardi un contre-projet. Marine Le Pen a déjà présenté vendredi sa contre-proposition pour bannir les « idéologies islamistes » et interdire dans tout l’espace public le port du voile.
70 articles à examiner
Côté gouvernement, outre Gérald Darmanin, Eric Dupond-Moretti (Justice), Jean-Michel Blanquer (Education) ou Marlène Schiappa (Citoyenneté) sont au banc pour défendre un texte qu’un député de l’opposition juge « riquiqui » et « fourre-tout ».
Au menu, 70 articles examinés selon un « temps législatif programmé » de 40 heures pour cadrer les débats (hors temps d’interventions des ministres et rapporteurs). Près de 2.650 amendements ont été déposés.
Le projet de loi prévoit une batterie de mesures souvent « techniques » sur la neutralité du service public, la lutte contre la haine en ligne, l’instruction en famille, le contrôle renforcé des associations, une meilleure transparence des cultes et de leur financement, et encore la lutte contre les certificats de virginité, la polygamie ou les mariages forcés.
Il doit traduire le discours d’Emmanuel Macron le 2 octobre aux Mureaux, où le chef de l’Etat avait présenté sa stratégie, longtemps attendue, pour lutter contre l’islam radical.
A gauche, on regrette la faiblesse du volet social et des mesures de lutte contre les discriminations.
« Au final, le projet de loi est borgne car il ne traite pas de la ségrégation, du séparatisme social, territorial, de la mixité scolaire », déplore le communiste Stéphane Peu.
« C’est une loi d’injonctions. Elle ne fait vivre en acte aucun des principes de la République », souligne par ailleurs le socialiste Boris Vallaud.
Ce constat critique trouve un écho jusqu’à l’aile gauche de LREM. Plusieurs députés rappellent que la « lutte contre les discriminations et les inégalités » font également partie de la « promesse républicaine ».
Le gouvernement fait valoir un futur plan en faveur de l’égalité des chances.