Nouveau gouvernement belge : des négociations à quitte ou double
Mardi, le Roi Philippe a accordé au formateur et président du parti nationaliste flamand (N-VA), Bart De Wever, un nouveau délai pour former un gouvernement fédéral. Celui-ci court désormais jusqu’au 31 janvier, conformément à l’intention affichée par les cinq partenaires fin décembre. M. De Wever a fait part au Roi de l’avancement des discussions dans le domaine socio-économique. Bien que les négociations n’ont pas enregistré une ‘’percée décisive’’, elles se poursuivent, selon les différents partenaires, dans une ambiance ‘’constructive’’.
Pour un pays habitué aux tractations politiques fleuve -la faute à un système politique complexe-, la formation d’un nouveau gouvernement où devraient cohabiter deux visions, l’une libérale, incarnée par le MR (Mouvement réformateur, francophone), l’autre socialiste, défendue par les flamands de Vooruit, qui ont peu de points en commun, serait déjà un exploit. Mais il faut dire que, dans la conjoncture actuelle, le temps est un luxe dont manque cruellement la Belgique. L’impératif pour le pays de présenter à la Commission européenne un budget qui respecte les règles européennes en matière de déficit budgétaire est une épée de Damoclès se dressant au-dessus de la tête des chefs de file de la future coalition au pouvoir.
La Belgique, qui est sous le coup d’une procédure pour déficit excessif, doit remettre à la Commission européenne un projet de plan budgétaire pour 2025 ainsi qu’une trajectoire pluriannuelle d’assainissement de ses finances publiques, accompagnées de réformes et d’investissements. Pour respecter ses engagements, l’effort budgétaire que le pays doit entreprendre se chiffre à 23 milliards d’euros sur 4 ans.
Dans les dernières heures de 2024, les chefs de file de la N-VA, du MR, des centristes francophones (Engagés), de Vooruit et des chrétiens démocrates flamands (centre droit-CD&V) ont convenu d »’accélérer le tempo » pour doter le pays d’un Exécutif ‘’au plus tard fin janvier ».
Pour le formateur, qui estime à « 50-50 » les chances qu’un gouvernement voie le jour d’ici à la fin janvier, il s’agit d’un ultimatum pour mettre la pression sur les autres partenaires de la future coalition, tout particulièrement sur les socialistes de Vooruit, selon les commentateurs politiques.
Une ligne qu’adopte également Georges-Louis Bouchez, président du MR, premier parti francophone aux dernières élections, lequel estime qu’il faudra absolument un accord d’ici à la fin du mois. « Soit on y arrive d’ici la fin du mois, soit, à un moment, il faut arrêter l’acharnement thérapeutique. Tout est sur la table, les ingrédients qui sont là aujourd’hui sont là pour faire le repas. Dans un mois, ils risquent d’être périmés donc il vaut mieux faire le repas rapidement », a-t-il déclaré à la radio belge La Première.
Ces derniers jours, les négociations se sont poursuivies de manière intense. Toutefois, les discussions butent encore sur la fiscalité, tout particulièrement sur l’effort budgétaire global qui devrait être supporté par les ‘’épaules les plus larges’’.
C’est là le nœud gordien des négociations. Les libéraux ne veulent pas entendre parler de nouveaux impôts, tandis que les socialistes réclament davantage de contribution des plus fortunés.
En attendant, les coups de pression fusent de partout. Mardi, le président du puissant réseau d’entreprises flamand, Voka, y a mis du sien. ‘’Il est nécessaire qu’on ait maintenant un gouvernement fédéral, afin de guider le pays sur les bons rails (…). Avoir un gouvernement est également urgent, car le pays se trouve dans un état lamentable. L’Europe est de plus en plus sous pression dans le jeu de pouvoir entre les États-Unis et la Chine. Et la Belgique, en tant que petit pays, est plus vulnérable que jamais. Il faut former maintenant un gouvernement fédéral qui n’esquive pas ses responsabilités, baisse la pression fiscale et protège notre État-providence’’, a lancé Rudy Provoost.
Désormais, le formateur a trois semaines pour conclure. Tout indique que la prochaine audience royale de M. De Wever serait la dernière. Il prêtera alors serment en tant que Premier ministre d’un nouveau gouvernement ou bien demandera au Roi de le décharger de sa mission de formateur.