Macron et le dilemme de l’islam de France

Sur un sujet sur lequel le président Emmanuel Macron avait montré une détermination sans faille, la nouvelle année commence sur une queue de poisson politiquement risquée. Il s’agit de l’organisation de l’islam de France et de la stratégie française de lutte contre le radicalisme religieux qu’Emmanuel Macron avait imaginée comme un bouclier pour protéger les Français des affres du terrorisme.

Le pays était encore sous le choc suite aux attentats terroristes qui ont frappé la France et dont l’horreur sanglante avait été incarnée par la décapitation du professeur Samuel Paty quand Emmanuel Macron a reçu à l’Élysée les représentants de l’islam de France, incarné par le CFCM. La posture était ferme. Le discours déterminé mâtiné d’un ultimatum menaçant.

Il s’agissait pour ces responsables de l’islam de France de participer à la création d’un Conseil National des Imams, doté d’une charte de valeurs républicaines . Avec cette ambition ouvertement assumée : veiller à lutter contre les conditions qui favorisent la création et la diffusion du discours religieux radical qui nourrit certains esprits et les rend réceptif à la doctrine terroriste.

Emmanuel Macron était si impliqué politiquement dans la réalisation de cet objectif qu’il en a fait l’un des marqueurs de son quinquennat. Il est allé si loin dans ce combat qu’il avait couru le risque de faire apparaître la France comme un pays exagérément obsédé par la présence des musulmans sur son territoire. Comme en témoigne la campagne lancée à travers le monde par des organisations islamistes pour boycotter les produits français dans une démarche punitive et vengeresse. Comme en témoigne aussi le bras de fer personnel du président français avec certains médias anglo-saxons. Ces deux faits ont été l’incarnation vivante de ce fossé et de ces malentendus.

C’est dire à quel point l’Élysée doit être déçu de voir qu’à quelques jours de son adoption, le projet du Conseil National des Imams de France et sa « charte de valeurs républicaines » volent en éclat à cause de la Grande mosquée de Paris et de son retrait spectaculaire.  L’argumentaire présenté par son recteur, le franco-algérien Chems-Eddine Hafiz, n’a pas résisté à la réalité des faits et a révélé des arrières pensées et des agendas personnels incompatibles avec les enjeux de la bataille contre le radicalisme voulue par le président Macron.

Aujourd’hui devant ce constat d’échec, Emmanuel Macron se doit de reprendre l’initiative. Dans l’esprit de beaucoup, cette phrase prononcée devant les responsables de l’islam de France « si certains ne signent pas cette charte, nous en tirerons les conséquences » doit résonner avec une inquiétante acuité. Cette phrase aussi prononcée par Emmanuel Macron « Je vous fais confiance et ma confiance vous oblige » montre l’ampleur des enjeux.

Et sans aucun doute, l’interrogation qui interpelle l’ensemble des acteurs de cette galaxie de l’islam de France : Que va faire, que peut faire Emmanuel Macron pour traiter cet échec et sortir de cet impasse ?  De quels moyens disposent les autorités publiques pour faire pression et obliger toutes les structures concernées à honorer leurs engagements et à opposer leur signature sur ce projet ?

En plus du fait qu’Emmanuel Macron joue dans cette aventure la crédibilité de sa parole et de son ultimatum, l’Élysée sait qu’on l’attend au tournant sur le plan politique. La droite comme l’extrême droite sont activement à la recherche d’un signal de faiblesse supplémentaire sur le régalien … échouer à engager les structures de l’islam de France dans ce combat peut s’apparenter à une faille exploitable politiquement par ces adversaires.

Pour beaucoup, la solution commence par abandonner cette vison notamment nichée chez des responsables au ministère de l’Intérieur, chargé des cultes, dirigé par Gérald Darmanin, qui chercheraient à trouver des excuses aux postures de certains.

Elle consiste aussi à voir avec plus de clarté dans les visions et les arrières pensées des uns et des autres. A titre d’exemple, les pouvoirs publiques français doivent sortir de leur silence devant les  déclarations de l’ambassadeur d’Algérie, Mohamed Antar Daoud, qui lança à la mosquée de Paris cette déclaration fracassante: « La Grande Mosquée de Paris est d’abord algérienne et ne sera jamais autre chose et c’est ça le plus important », ou celle du recteur Chems-Eddine Hafiz à l’adresse des imams algériens: “Nous sommes dans un pays qui est la France, qui n’a pas d’imams. C’est vous, les imams de cet Etat”. Et d’ajouter : « le travail actuel de la mosquée de Paris est l’honneur de l’Algérie » !

 

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