L’infini suspense d’Emmanuel Macron

Il aurait tort de se priver d’un tel luxe. Mener une campagne de candidat déguisé dans le confortable habit du président installé. Depuis de longs mois, Emmanuel Macron calcule ses moindres sorties et ses prises de position à l’aune de ce que cela peut lui apporter dans les urnes.

Qu’il s’agisse de sa manière de gérer la crise du Covid et de sa volonté de projeter la puissance de la France à l’international, tout est occasion pour lui de tresser les contours d’une victoire à la prochaine présidentielle et donc un inévitable second mandat.

Ainsi va le système présidentiel français. La dernière moitié de chaque premier mandat est généralement conçue pour en conquérir un second. Et toute la mise en scène politique est destinée à tracer les vestiges d’un candidat à la recherche d’un second souffle.

Emmanuel Macron n’échappe pas à la règle. Il aurait pu continuer tranquillement à gouverner là où ses concurrents s’essoufflent à démonter sa politique et sa stratégie. La seule manière pour eux d’exister. Chacun, pour se donner une contenance présidentielle, se positionne en premier opposant du président Macron.

Cette situation est à double tranchant. Elle a le don de mettre le président sortant au centre de l’astre présidentiel mais possède l’inconvénient de concentrer les feux des critiques sur sa personne et ses choix.

Aujourd’hui, alors qu’il n’est toujours pas officiellement candidat, Emmanuel Macron subit les foudres de la droite républicaine dont le nouveau leadership, homme ou femme, n’a d’autres choix que de le pilonner à l’arme lourde, histoire de créer le sillon qui distingue Emmanuel Macron de l’héritage politique de la droite.

Il est vrai que l’actuel maître de l’Élysée avait totalement cannibalisé la droite, ses ressources humaines et son projet politique, au point d’incarner parfaitement et dans une illusion d’optique qui ne trompe personne, la véritable illustration de la droite au pouvoir.  Les deux seuls premiers ministres d’Emmanuel Macron, Édouard Philippe et Jean Castex, ne proviennent-ils pas des rangs de cette droite qui s’échine aujourd’hui à trouver un candidat et un chef ? Sans oublier la plupart des ministères régaliens offerts sur un plateau d’argent aux gros pontes de la droite comme le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ou celui de l’Economie Bruno Lemaire, pour ne citer que les plus visibles.

Emmanuel Macron aura aussi à gérer la dynamique politique de l’extrême-droite tiraillée entre une extrémiste devenue par calcul conservatrice, Marine Le Pen, et un trublion qui dynamite tout sur son passage, Éric Zemmour.

S’il y a quelqu’un qui regarde leurs guerres intestines avec la plus grande délectation, c’est bien Emmanuel Macron. Pour le président de la République sortant, Zemmour remplie trois missions précieuses et essentielles. Empêcher Marine Le Pen de dédiaboliser son image et devenir électoralement fréquentable; hystériser le débat politique pour transformer Macron en un inévitable recours et obliger la droite républicaine à courir derrière une radicalité qui fera fuir les électeurs.

Au jour d’aujourd’hui, le seul bénéficiaire de cette tornade de l’extrême droite qui souffle sur la France est le président Macron qui apparaît à la fois comme un recours pour contrer les dangers qui menacent le tissu social français et un phare de stabilité  qui indique une direction et un projet moins aventurier que celui produit par les multiples surenchères de la droite extrême.

Emmanuel Macron ne semble nullement se soucier de sa gauche. Le Parti socialiste est dans un état moribond que toutes les bonnes volontés de la mairie de Paris Anne Hidalgo ne parviennent pas à ressusciter. Les Verts, en nettes progression électorale ces dernières années, semblent encore loin de pouvoir produire une victoire présidentielle.

Emmanuel Macron fera durer le plaisir de sa non candidature jusqu’à la dernière limite permise. La France prendra la présidence de l’Union européenne à partir de janvier prochain. Il est fort à parier que cela sera une occasion pour le président Macron de dérouler un ambitieux projet européen, mais dont le message domestique sera destiné à faire la différence entre lui qui marche d’un pas assuré et solide et d’autres qui sont dans la logique de l’imprécation, du clivage radical et de l’effervescence politique.

 

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