Il y avait comme une posture mensongère lorsque les différentes capitales européennes ont fait semblant de ne pas être surprises par la brusque accélération des événements en Afghanistan. Reconnaître le contraire aurait consacré une réalité à double visage: où leurs alliés américains leur avaient fourni de fausses analyses sur la situation, où pire, ils les auraient tenu à l’écart de l’évolution du terrain afghan.
C’est pour ces raisons que réagissant à chaud, aussi bien le président français Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel que les chefs de l’Union européenne ont tenté de camoufler l’effet surprise et de suggérer que ce que font les talibans en Afghanistan était un scénario prévisible.
N’empêche, la chute de Kaboul aux mains des Talibans avec cette facilité a dessiné les contours des multiples cauchemars et des grandes peurs européens.
Première peur que ce pays, l’Afghanistan, se transforme en sanctuaire pour les organisations terroristes islamistes du monde entier. Les Américains affirmèrent que durant leurs longues négociations à Doha, ils auraient réussi à arracher à la direction des Taliban l’engagement de ne plus abriter des organisations terroristes du type Al Qaida et de limiter leurs efforts politiques et guerriers au seul territoires afghan.
Mais que vaut la promesse d’un mouvement islamiste violent insurrectionnel à une puissance occupante comme l’administration américaine ? L’Europe craint que dès demain l’Afghanistan ne se transforme en un aimant pour tous les fous de Dieu, en laboratoire à ciel ouvert où seront concoctés des attentats vengeurs aussi spectaculaires que les tours jumelles du world Trade Center dont l’Amérique et le monde s’apprêtent à fêter le 20e anniversaire de la chute.
Seconde peur européenne a une relation avec les effets que cette victoire des talibans peut avoir sur les multiples organisations islamistes actives dans de nombreux territoires comme le Sahel et le Proche orient.
La guerre internationale contre le terrorisme dans ses régions avait réussi à casser les colonnes vertébrales de ces organisations mais sans pouvoir les éradiquer. L’effet Taliban peut leur donner une force et une motivation nouvelles. Un exemple insurrectionnel sur fond religieux à présenter à leurs futures recrues pour reprendre des forces et restructurer les organisations. Dans le plan marketing de ces organisations terroristes sera présent bien entendu les performances militaires des Talibans mais aussi la tendance de la communauté internationale à les reconnaître et à négocier des deals avec eux. Qui pourrait demain empêcher qu’une expérience similaire ne puisse se reproduire au cœur de l’Afrique si une organisation radicale se sent pousser des ailes à cause de ce précédent talibans ?
Troisième peur européenne qui vire actuellement au cauchemar est l’angoisse migratoire. Ce que le président français Emmanuel Macron appelle le flux migratoire et qui lui a valu une levée de bouclier international. L’Europe a subi depuis la crise syrienne des vagues de réfugiés qui ont lourdement pesé sur ses équilibres politiques et sociaux. La montée en puissance des extrêmes, des populistes et des xénophobes en étaient une conséquence directe. Aujourd’hui, fragilisé par de multiples crises dont la pandémie du Coronavirus, l’espace européen aura du mal à gérer la tragédie des réfugiés afghans. Il ne pourra pas leur fermer ses portes au nom d’un devoir d’accueil humanitaire qui fait partie de ses valeurs fondatrices. Et il ne pourra pas les accueillir abondamment au risque de jeter l’huile sur le feux des tensions et des contradictions internes susceptibles d’influencer ses processus électoraux et de favoriser les extrêmes.
Par ailleurs, cette crise migratoire prévisible aura aussi des conséquences sur les relations que cette espace européen entretient avec des pays comme la Turquie et l’Iran. Ce sont deux pays que les routes de cet exode afghan vont obligatoirement emprunter. La Turquie de Tayyeb Erdogan a déjà montré ses capacités à monnayer auprès de l’Europe sa gestion de la crise migratoire syrienne. Elle mettra une autre pièce dans la machine à cash de Bruxelles pour profiter du drame Afghan.
Quant à l’Iran dont les relations difficiles avec la communauté internationale sont chroniques à cause de sa volonté d’hégémonie et son désir d’acquérir l’arme nucléaire, le régime iranien vient de récupérer à travers l’Afghanistan au mains des talibans une nouvelle carte de pression dont il va marchander le prix fort pour participer à la gestion des flux migratoire qui éviterait de déstabiliser aussi bien son voisinage immédiat que l’Europe lointaine .