Il est temps que l’Allemagne clarifie son jeu avec le Maroc

Pour toute la galaxie des observateurs qui suivent l’évolution de la relation entre le Maroc et les pays de l’Union européenne, la crise de confiance et la tension que traverse actuellement l’axe Rabat-Berlin étaient inscrites dans le temps et dans les agendas. Elle n’est en fait une surprise que pour ceux qui ne voulaient pas voir.

Ce tournant a eu lieu depuis que l’administration américaine avait reconnu la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara. Le Royaume avait demandé à ses partenaires européens de sortir de la zone grise, cette zone de confort où on pouvait encore se draper dans la confusion des discours et la dichotomie des postures. Etait-il encore acceptable que Washington puisse valider avec autant d’éclats la souveraineté du Royaume sur son Sahara alors que d’autres pays européens plus proches continuent de naviguer dans la confusion ?

A l’époque, l’invitation explicite lancée par le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita de clarifier les positions portaient déjà les germes de cet inévitables bras de fer.  Cela visait bien sûr aussi bien le dynamo de l’Union européenne que constitue depuis toujours l’axe Paris-Berlin que son franc sud formé par l’Espagne, l’ancienne puissance colonisatrice du Sahara.

Aujourd’hui, l’étincelle de la crise a pris pour théâtre la relation maroco-allemande prenant de court toutes les chancelleries. Les attitudes et la doctrine diplomatique allemande versaient peu dans le spectaculaire et la confrontation ouverte.  Et depuis le tournant américain sur le Sahara, la diplomatie marocaine avait réuni suffisamment d’éléments hostiles et documenté suffisamment de comportements inamicaux de la part de la diplomatie allemande pour entreprendre cette démarche de crever les abcès et de demander des comptes.

Sans aucun doute cette stratégie de choc de la part des Marocains sur un sujet aussi vital pour leur sécurité nationale qu’est le Sahara a dû surprendre la diplomatie allemande par sa détermination et sa fermeté.  Depuis l’arrivée au pourvoir d’Angela Merkel 2005, la chancelière incarnait cette force tranquille qui avait en horreur les clivages aigus, les ruptures sanguines et les confrontations diplomatiques. Même lorsque l’Allemagne, ce géant économique, commençait à se rêver en acteur important de la politique internationale comme l’indique sa tentation de lorgner sur un siège permanent au sein du Conseil de sécurité, elle avait toujours gardé une prudente approche qui fuyait les face-à-face frontaux.

Dernière illustration de cette approche, sa manière de gérer la grave crise entre la Turquie et l’Union européenne. Alors que d’autres membres de l’Union proposaient des sanctions dissuasives à l’égard du régime de Tayeb Erdogan qui versait dans la provocation et le fait accompli militaire, l’Allemagne d’Angela Merkel freinait des quatre fers pour ne pas avoir à gérer une crise ouverte avec Ankara doublée d’une crise intérieure avec les millions d’immigrés turcs présents sur son territoire.

Aujourd’hui la dangerosité du positionnement allemand  à l’égard du Maroc réside dans une multitude d’attitudes mitigées qui, une fois réunies, forment un faisceau hostile à ses intérêts supérieurs. L’air de ne pas y toucher, la stratégie allemande installe une atmosphère de déni, inspire des comportements inamicaux et insuffle un forme d’antagonisme dont les nombreuses fondations allemandes très actives au Maroc sont le réceptacle.

La position marocaine que certains ont qualifié de disruptive oblige à un langage de vérité et un exercice de clarification sur la vraie approche allemande sur l’intégrité territoriale marocaine. Et le questionnement que Rabat pose en des termes crus : est-ce que Berlin fait partie des capitales alliées et amies du Maroc ou sa diplomatie sourde, à multiples facettes, l’a transformée en puissance hostile ?

Le bras de fer entre le Maroc et l’Allemagne sur son attitude à l’égard du Sahara est tout sauf inopportun. Pour la diplomatie marocaine, il s’agit de clore triomphalement un long chapitre de performances couronné par la reconnaissance américaine. Pour traduire dans le marbre juridique international ces triomphes, Le Maroc a besoin que ses alliés européens avec lesquelles il a lié de solides relations économiques et sécuritaires puissent clarifier leur jeu et apporter un soutien politique incontestable à la solution juste qu’il préconise.

Cette démarche impose à ces alliés européens qu’ils sortent définitivement de la zone grise qui permet à certains un double discours et un louvoiement de circonstances. Elle formule par ailleurs cette interpellation limpide : l’intérêt de l’Allemagne est-il avec d’Algérie et son pendant séparatiste, le Polisario, ou avec le Royaume du Maroc et son leadership régional et sa valeur stratégique ajoutée ?

Il y a fort à parier que de cette crise entre le Maroc et l’Allemagne sortira fatalement un dialogue plus franc entre le Royaume du Maroc et les pays de l’Union Européenne sur de nombreuses questions stratégiques. L’Allemagne étant un poids lourd de la gouvernance européenne. Le temps est venu pour que chacun assume publiquement ses choix et affiche clairement ses positions.

 

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