Ce rendez-vous électoral, qui a lieu tous les cinq ans, revêt une importance particulière puisqu’il survient dix mois après les élections présidentielles et législatives de mai 2023, marquées par la réélection du président Recep Tayyip Erdoğan et l’obtention par son alliance de la majorité des sièges au Parlement.
Ces élections représentent également un test crucial pour évaluer la popularité de l’alliance au pouvoir, composée du Parti de la justice et du développement et du Parti d’action nationaliste. De plus, elles mettent à l’épreuve la capacité de l’opposition, dirigée par le Parti républicain du peuple, à maintenir les acquis obtenus lors des dernières élections municipales de 2019.
Les observateurs s’attendent à ce que les résultats de ces élections entraînent un redécoupage de la carte politique interne du pays, après avoir restructuré l’équilibre des forces politiques au niveau des municipalités locales.
Ainsi, près de 61 millions d’électeurs, dont un million de personnes qui voteront pour la première fois, sont attendus pour choisir parmi environ 1.390 maires dans toutes les provinces du pays, au nombre de 81. De plus, plus de 20.000 membres des conseils municipaux et plus de 30.000 « mukhtar » (chef de quartier chargé de servir d’intermédiaires entre les résidents et les autorités) seront élus dans les divers quartiers et villages turcs.
Les campagnes électorales se concentrent sur les questions économiques et sociales locales, telles que les services publics, les infrastructures, le chômage et l’inflation, en plus de la résilience des villes turques face aux catastrophes naturelles, en particulier les séismes.
Le dossier des migrants reste également un point de discorde important sur la scène politique turque, nationale ou locale, d’autant plus que le pays accueille plus de 3 millions de réfugiés syriens et des centaines de milliers de migrants de différentes nationalités.
De leur côté, les 36 partis politiques participants s’attachent à conquérir les municipalités des grandes villes, alors que l’alliance au pouvoir cherche à reprendre le contrôle d’Istanbul, la capitale économique et la plus grande ville du pays, et d’Ankara, la capitale politique, après les avoir perdues au profit du Parti républicain du peuple en 2019.
Il y a aussi une lutte intense pour le poste de maire d’Istanbul entre l’actuel maire, Ekrem İmamoğlu, du Parti républicain du peuple, et l’ancien ministre de l’Environnement et de l’Urbanisme, Murat Kurum, du Parti de la justice et du développement.
Istanbul revêt une importance particulière dans ces élections municipales car elle constitue un centre politique important, accueillant à elle seule pas moins de 10 millions d’électeurs. La ville est traditionnellement considérée comme un indicateur de satisfaction des électeurs à l’égard des politiques publiques en vigueur, et la victoire de n’importe quel parti aux élections municipales est considérée comme une victoire symbolique majeure.
Contrairement aux élections présidentielles et législatives de mai 2023, où l’opposition était unie sous la bannière de « la Table des six », les principaux partis d’opposition ont choisi de se présenter individuellement au scrutin municipal, présentant des listes de candidats indépendantes les unes des autres et choisissant de rivaliser pour la mairie des grandes villes, ce qui pourrait contribuer à une dispersion de leurs voix selon plusieurs observateurs.
Quant à l’Alliance « populaire » au pouvoir, elle a maintenu son unité par rapport à « la Table des six », en présentant des candidats communs dans 30 grandes municipalités, avec en tête Istanbul et Ankara, les deux partis de l’alliance se soutenant mutuellement dans les autres municipalités.
M. Erdoğan s’est activement engagé dans la campagne électorale, participant à plusieurs rassemblements pour soutenir les candidats de son alliance. Pour la première fois, le président turc a déclaré publiquement que ces municipales seraient « les dernières élections de sa carrière politique ».
L’Alliance « populaire » au pouvoir a remporté les élections municipales de 2019 avec 51,74% des voix, contre 37,64% pour l’opposition « Alliance de la nation », qui comprenait à l’époque le Parti républicain du peuple et le « Bon Parti ».
Bien que l’alliance au pouvoir ait remporté environ 40 des 81 provinces, elle a perdu la plupart des grandes municipalités, notamment Ankara, Istanbul, Izmir et Antalya.