Tanger, ville emblématique entre mer et terre, a été désignée ville-hôte mondiale de la Journée internationale du Jazz, et cheffe de file des festivités, symbole vivant du brassage des cultures.
La journée du jazz prévoit pour le 30 avril un concert mondial, dans une ville qui a vu défiler au fil de son histoire, des légendes du jazz en quête d’inspiration et de réinvention, telles que le virtuose pianiste jazz Oscar Dennard (1928 – 1960) ou du talentueux trompettiste américain Idrees Sulieman.
En juillet 1959, Oscar Dennard a choisi la ville blanche pour enregistrer la première version de l’album “The 4 American Jazz Men in Tangier”, dans le studio du producteur Jacques Muyal, qui travaillait alors à Radio Tanger International.
« Dans les années 50, le jazz se fait connaître à Tanger grâce à Jacques Muyal qui disposait d’un temps d’antenne à Radio Tanger International et avait mis en place une programmation dédiée à la musique jazz, avec la complicité d’un célèbre tangérois qui est Lotfi Akalay », a déclaré à la MAP, le fondateur du festival Tanjazz, Philippe Lorin.
Évoquant les différentes phases du jazz à Tanger, M. Lorin a expliqué que cette musique, originaire du sud des États-Unis, a connu quatre périodes distinctes dans la ville.
« Tout d’abord, avec l’arrivée des disques 78 tours des États-Unis à Tanger. Ensuite, lors de la création de la zone internationale, exemptée de taxes et d’impôts, favorisant un cosmopolitisme croissant », a-t-il noté, relevant que ce « bouillonnement culturel a attiré le compositeur et pianiste américain Randy Weston, qui avait établi son foyer à Tanger, fondant le club du Rythme Africain, au-dessus du cinéma Mauritania ».
“C’est ainsi que Weston a initié une fusion entre le jazz et la musique locale, principalement la musique gnawi, dirigée par le maâlem Abdellah El Gourd”, a-t-il ajouté.
“Randy Weston a été un grand partenaire, avec qui j’ai pu goûter au jazz”, a confié à la MAP, le maâlem Abdellah El Gourd, notant qu’il a découvert le jazz, par le plus grand des hasards. « Je ne connaissais rien à la musique occidentale”, s’est-t-il amusé à dire.
« À son tour, Randy m’avait fait découvrir le jazz, j’y ai pris le rythme et j’y ai ajouté le guembri, les qaraqeb, et le tambour, de là est née une symbiose entre le gnawa et le jazz”, a-t-il précisé.
Quant à la particularité du gnawa de Tanger, le maâlem Abdellah a expliqué que la différence consiste dans le classement du répertoire et du nombre des tarhs (morceaux), soulignant que « le tagnaouit du nord détient un répertoire marsaoui, alors que le reste est gharbaoui ».
De son côté, le musicien Mouhcine Hichy a relevé que la musique gnaouie est une musique profondément sérieuse, avec plusieurs typologies de répertoires, dont la bambara, relatant l’histoire des esclaves, chantant ainsi une certaine nostalgie mélancolique, et d’autres plus spirituelles, jouées lors des cérémonies.
Selon ce musicien, qui s’est produit dans divers scènes et festivals de fusion à l’instar du festival Gnaoua et musiques du monde, la fusion entre le jazz et le gnawa est fluide et naturelle, car ces deux styles partagent une origine africaine commune.
Créée par la Conférence générale de l’UNESCO en 2011 et reconnue par l’Assemblée générale des Nations Unies, la Journée internationale du jazz rassemble chaque année, le 30 avril, des pays et des communautés du monde entier.
Cette Journée met en lumière le pouvoir du jazz et son rôle dans la promotion de la paix, du dialogue entre les cultures, de la diversité et du respect de la dignité humaine.