Comment Stéphane Séjourné va s’investir « personnellement » dans la réconciliation entre Paris et Rabat ?
Les relations entre la France et le Maroc qui traversent depuis quelques années un hiver glacial seraient-elles sur le point d’entamer une période de réchauffement ? C’est en tout cas le message politique qui ressort de la dernière sortie médiatique du nouveau ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné.
Après un long silence qui frisait l’évitement volontaire, Stéphane Séjourné a enfin évoqué la relation avec le Maroc. Il faut dire que pour Rabat comme pour les autres capitales du Maghreb, le positionnement de Stéphane Séjourné était scruté. La raison ? Son pedigree et son activisme politiques lorsqu’il dirigeait le groupe Renew au sein du Parlement européen. Ses charges répétées à travers l’élaboration et le vote de deux résolutions (non contraignantes) contre le Maroc reflétaient un agenda et une hostilité évidente.
Nommé à la surprise générale ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Gabriel Attal, la curiosité était grande de voir quel type de relations il allait entretenir avec le Maroc et plus généralement avec le Maghreb. Cette attente fut longue. Stéphane Séjourné a eu plusieurs sorties médiatiques où il semblait avoir volontairement ignoré d’évoquer la relation avec le Maroc.
Aujourd’hui c’est chose faite dans une interview à un grand quotidien régional. Stéphane Séjourné dévoile ses intentions à l’égard de cette région et trace la nature de ces futurs choix. Fait politique marquant, c’est à la demande du président Emmanuel Macron que le nouveau locataire du Quai d’Orsay va traiter cette crise froide entre Paris et Rabat. La phrase du ministre qui résume cette stratégie est remplie de sens multiples. « Le Président de la République m’a demandé personnellement de m’investir dans la relation franco-marocaine et d’écrire aussi un nouveau chapitre de notre relation. Je vais m’y attacher »
Dans le langage diplomatique traditionnel, l’expression « s’investir personnellement » suscite de nombreuses interrogations. Pourquoi mettre « du personnel dans le diplomatique ? Si ce n’est pour tenter d’effacer d’amers souvenirs d’une époque où sous la coupole du Parlement européen, le Maroc et son image étaient des cibles à abattre, victime d’une ébullition politique nourrie par Stéphane Séjourné en personne. À l’époque, il était difficile de l’imaginer agir de son propre gré. La profonde conviction marocaine est qu’il obéissait à une humeur et à une stratégie élyséenne.
Répondant donc à l’appel d’Emmanuel Macron, Stéphane Séjourné va tenter de recoudre la relation très abîmée entre la France et le Maroc. Il se donne même un agenda et un objectif : « Je ferai tout dans les prochaines semaines et les prochains mois pour que la France et le Maroc se rapprochent (et ce) avec le respect des Marocains ».
Logiquement Rabat devrait se réjouir de telles déclarations qui annoncent une belle embellie dans les relations gelées entre les deux pays. Mais il y a comme une once de doute, d’hésitation à avoir devant une telle démarche. Les Marocains comme la plupart des pays savent que la relation de la France avec les régions politiquement sensibles est le monopole exclusif, dans le cadre de la fameuse théorie du domaine réservé, du président de la République Emmanuel Macron.
Si le locataire de l’Élysée a réellement envie de mettre fin à cette crise avec le Maroc et clarifier sa relation ambiguë avec le Maghreb, c’est de lui, le concepteur, le producteur de la politique étrangère de la France que doit venir ce message d’apaisement et de réconciliation.
Mais face à ces déclarations volontaristes de Stéphane Séjourné, les Marocains ont toutes les raisons de se réjouir de voir un homme connu pour son hostilité envers le Maroc à la tête d’un important appareil diplomatique, vouloir s’investir dans l’amélioration de la relation entre Paris et Rabat. La stratégie logique et rationnelle des Marocains qui ne sont pas du tout pressés est de laisser venir. Les promesses de Séjourné de « renouer « avec Rabat auront forcément à se confronter à la réalité des divergences et les origines de la crise profonde entre les deux pays.
Paris et Rabat ne s’entendent plus depuis que le Maroc a demandé à la France, au nom de leur partenariat stratégique et unique, de sortir de sa zone grise et de reconnaître ouvertement et pleinement la souveraineté du Maroc sur son Sahara, comme l’ont déjà fait de grandes puissances comme les États-Unis d’Amérique. Les hésitations françaises, surtout sa crainte de se mettre à dos l’Algérie, ont fini par dévoiler les limites de la position de Paris.
Aussi bien Emmanuel Macron que Stéphane Séjourné savent que le prix de la normalisation des relations entre Paris et Rabat passe fatalement par une évolution majeure de la position de la France sur le Sahara marocain. Alors ce fameux investissement de Stéphane séjourné aurait-il le visage d’une reconnaissance totale, pleine et entière de la marocanité du Sahara. C’est l’objectif assumé de Rabat.