Au Brésil, la tentative de « coup d’État » consolide Lula au pouvoir

La mobilisation contre le président brésilien, Lula Da Silva, n’aura finalement fait que permettre au leader de la gauche de renforcer son autorité en ce début de troisième mandat.

Des manifestants criant à la fraude électorale, une invasion des sièges des trois pouvoirs et des sit-in devant les casernes de l’armée pour exiger une intervention militaire pour l’écarter du pouvoir.

Une dizaine de jours après l’invasion spectaculaire des sièges de la Présidence, du Congrès et de la Cour suprême, le Brésil a plutôt retrouvé la normalité, la mobilisation des partisans de la droite perd de son ardeur et l’opposition semble déjà affaiblie.

L’ancien président, Jair Bolsonaro, qui a boycotté la cérémonie d’investiture de son successeur, fait l’objet d’une enquête sur ces incidents, alors qu’un ancien de ses ministres, qui était secrétaire à la sécurité du District Fédéral pendant les manifestations violentes, a été arrêté à son retour des Etats-Unis.

Bolsonaro, qui pendant ses quatre années au pouvoir s’en est pris à la plus haute juridiction et a mis en doute la fiabilité du système de vote électronique, a été cité dans les enquêtes après avoir publié une vidéo qui remet en cause les résultats des présidentielles. La vidéo avait été supprimée quelques minutes plus tard.

Entre-temps, près de 2000 personnes liées à ces événements qui ont fait le tour du monde et conféré un soutien mondial à Lula, ont été arrêtées et font l’objet de procédures en justice.

Selon un sondage réalisé par l’institut Datafolha après les événements indiquent que 93 % des Brésiliens rejettent ces « actes antidémocratiques », tantôt qualifiés de « coup d’Etat » tantôt de « terrorisme » par les leaders de la gauche dans le pays. L’enquête fait ressortir par ailleurs que 55 % des personnes sondées estiment que Bolsonaro y a une part de responsabilité.

Le rétablissement rapide de l’ordre institutionnel après la décision du gouvernement Lula d’autoriser l’intervention des forces fédérales a permis au nouveau gouvernement d’asseoir son autorité, au moment où les incidents ont porté un coup à l’image de l’opposition de centre et de droite, qui a gagné en puissance au Parlement après les élections d’octobre dernier.

L’invasion du siège des trois pouvoirs a été ainsi une bonne nouvelle pour un président qui a remporté les élections de justesse et un gouvernement qui voyait ses projets pour le Brésil confrontés à une sérieuse opposition au sein des institutions législatives.

Au plan international, chez les gouvernements de droite comme de gauche, Lula, dont l’élection a été perçue comme un retour de l’engagement du Brésil dans l’agenda mondial, notamment en ce qui est de la lutte contre le changement climatique, a joui d’un large soutien après les attaques de la fameuse Esplanade des Ministères.

Sur la scène politique nationale, le gouvernement jouit davantage de soutien des pouvoirs judiciaire et législatif, ainsi que d’autres institutions du pays qui se sont prononcées immédiatement contre les attaques.

Après le retour au calme, Lula, des membres de la Cour suprême, du Congrès et divers gouverneurs traversaient ensemble la Place des Trois Pouvoirs, du Palais présidentiel à la Cour suprême, pour illustrer le revirement enclenché par ces événements sans précédent.

Or, la bataille n’est pas que politique. L’universitaire, Altair de Sousa Maia souligne que le président est d’abord appelé à trouver des réponses promptes à des problèmes chroniques. L’inflation élevée, la conjoncture internationale défavorable, la dette publique qui bat son plein (76,8 % du PIB) et le ralentissement de l’activité économique cette année ne sont que quelques-uns des défis majeurs et urgents à résoudre par le gouvernement, a-t-il fait observer.

Si Lula a gagné une bataille, il n’en demeure pas moins qu’une « guerre » pour soigner les maux du Brésil ne vient que commencer pour l’homme qui a changé le visage de tout un pays lors de ses deux premiers mandats (2003-2010).

« Nous ne cessons de répéter la célèbre expression Custo Brasil pour désigner la fiscalité élevée, la bureaucratie et l’instabilité juridique qui rendent la production de tout bien plus chère que dans d’autres parties du monde », souligne l’expert brésilien en géopolitique et relations internationales, Marcus Vinicius de Freitas.

Pour lui, « c’est une réalité qui, malgré le fait que le Brésil ne soit confronté à aucun phénomène naturel qui crée des défis majeurs, la mauvaise administration du pays – dans ses trois niveaux de pouvoir – le condamne à rester toujours en dessous de son potentiel. Le défi réside dans l’abandon de l’idée « qu’il n’y a pas d’autre moyen, et que nous sommes condamnés à une défaite éternelle, à être le pays d’un avenir glorieux mais qui ne se réalisera jamais », conclut-il.

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