Début septembre dernier, Dick Cheney, vice-président américain sous George W. Bush, et républicain convaincu depuis des lustres, a annoncé qu’il votera pour Kamala Harris à la présidentielle du 5 novembre au détriment de Donald Trump. Cheney est allé même jusqu’à taxer Trump d’homme “le plus dangereux” de l’histoire pour les Etats-Unis.
Emboitant le pas à sa fille Liz, ex-membre de la Chambre des représentants pour le Wyoming, Cheney, qui avait également servi en tant secrétaire à la Défense sous Bush père, se joint à d’autres républicains de calibres qui ont jugé opportun de voter contre le candidat de leur propre camp.
Tulsi Gabbard, qui s’est présentée à l’élection présidentielle 2020 en tant que démocrate, joue un rôle de premier plan au sein de l’équipe de campagne de Trump. Elle multiplie les accusations acerbes contre son ancienne famille politique.
Dans les deux camps, plusieurs sont celles et ceux qui reprochent au candidat de leur parti des outrances et incartades par rapport aux valeurs fondatrices de ces formations politiques.
Si beaucoup de républicains foncièrement ancrés dans l’idéologie de la droite évoquent publiquement leurs craintes pour la démocratie sous Trump, qu’ils soupçonnent de dérives autoritaires, ils sont tout aussi nombreux à s’alarmer d’un virage “trop libéral” des démocrates, notamment en termes de libertés personnelles et de valeurs de la famille, mais aussi des positions peu conciliantes en matière d’énergie et de changement climatique.
Ils étaient, ainsi, plus de 200 membres influents du parti républicain à signer, en septembre, une lettre en soutien à la candidate démocrate, avec laquelle ils admettent pourtant avoir d’importantes divergences idéologiques et politiques.
Dans leur lettre, les signataires, dont certains avaient travaillé pour les deux présidents Bush, pour le sénateur John McCain ou le sénateur Mitt Romney, estiment que la démocratie serait “irrémédiablement compromise” par un second mandat de “leadership chaotique” de Trump.
Même l’ex-président Bush fils a refusé de soutenir le candidat républicain, et a boudé la Convention nationale républicaine de juillet dernier. Cependant, les critiques les plus acerbes viennent de responsables qui avaient travaillé au côté de Trump durant son mandat (2016-2020).
Parmi ceux-ci figurent en tête Mike Pence, son vice-président, qui a déclaré qu’il ne pouvait pas “en bonne conscience” soutenir Trump une seconde fois. Le chef de cabinet de la Maison Blanche, le général John Kelly, a déconseillé aux Américains de voter Trump, alors que Mark Esper, ancien secrétaire à la Défense, a jugé le candidat républicain “inapte” pour le poste.
De l’autre côté de la rive, l’image n’est guerre meilleure. Beaucoup de démocrates, et de plus en plus d’indépendants dans les Etats décisifs pour l’élection présidentielle, trouvent que le parti démocrate est allé trop loin dans ses tendances libérales.
Elon Musk, l’un des hommes les plus riches de la planète, qui avait voté pour Hillary Clinton en 2016, et soutenu Andrew Yang, candidat démocrate aux primaires de 2020, a complètement changé de cap en 2022, qualifiant les démocrates de “parti de division et de haine”.
Le propriétaire de Tesla et de SpaceX a apporté un soutien des plus précieux à l’ancien président républicain, qu’il a invité en août sur son réseau X, lui apportant une plateforme inespérée, et combien impactante, pour étaler ses points de vue aux dizaines de millions d’utilisateurs du réseau à travers les Etats-Unis.
Musk a également donné près de 80 millions de dollars à la campagne Trump —à travers son Comité d’action politique, America PAC— et même fait campagne aux côtés de l’ancien président, qui a promis de lui offrir un poste dans son administration.
Sur son compte X, Musk ne poste que très rarement des messages qui ne tentent pas de porter au pinacle Trump, tout en mettant au pilori ses détracteurs.
Un autre cas de nomadisme politique est celui de Robert Kennedy Jr, neveu de l’ex-président assassiné John F. Kennedy, qui a entamé sa vie politique en tant que démocrate, avant de cheminer doucement vers le camp républicain.
Après s’être présenté, en avril 2023, à la nomination du parti démocrate pour une candidature à la présidentielle de 2024, Kennedy, qui s’est dit “trahi” par son parti, a tenté sa chance entant qu’indépendant, avant de se se décider à rallier le camp Trump.
Difficile de mesurer l’impact de ces changements de pied sur la tendance réelle des électeurs, qui ne semblent, à en juger des sondages, que passagèrement émus par de telles annonces.
Jusqu’à présent, Donald Trump et Kamala Harris sont au coude à coude, s’ils ne sont pas à égalité, dans la majorité des sondages. Dans les Etats indécis, où se décide l’issue de l’élection, les différences sont tellement insignifiantes que tout pronostic ne relève que de la pure spéculation.