La tornade qui a soufflé récemment sur les relations entre la France et le Maghreb a suscité de vives réactions, d’acides commentaires et de clivantes postures. Cela avait commencé par la très mauvaise humeur algérienne incarnée par l’annulation de la visite du Premier ministre français Jean Castex et la brusque montée de tension entre Paris et Alger qui avait atteint des degrés inédits.
Une visite qui avait été précédée par deux faits majeurs qui ont provoqué l’ire d’Alger. Le premier est la décision du parti présidentiel « La république en Marche » d’ouvrir une antenne à Dakhla dans les provinces sud du Maroc, le second est la déclaration du ministre des Affaires étrangères Jean Yves Le Drian lors d’un entretien avec son homologue marocain Nasser Bourita renouvelant le soutien de la France à la solution de l’autonomie proposée par le Maroc comme unique sortie de crise .
Devant une telle situation dont la limpidité politique n’est plus à discuter, le régime algérien a eu recours à la grosse artillerie de son lobbying en France. Surfant sur cette décision d’annuler la venue de Jean Castex, il a fait appel à ses relais notamment à l’extrême gauche ou ce qui reste du Parti communiste français pour vocaliser son mécontentement et lui donner une ampleur hexagonale. D’où les interpellations à l’Assemblée nationale français et les réponses fournies par le Secrétaire d’Etat aux affaires européennes Clément Beaune qui dit « regretter « la décision » de « La République en Marche ».
Il n’en fallait pas plus pour qu’aussi bien en Algérie qu’au Maroc, des voix se sont élevées pour se féliciter ou s’indigner. Le régime algérien a vu dans la déclaration de Clément Beaune un désaveu de la démarche du parti présidentiel. Tandis que de nombreux influenceurs marocains très actifs dans les réseaux sociaux y ont vu un recul traitre de la diplomatie français à l’encontre de leur cause nationale.
Les Algériens, dont le Polisario est une affaire de services algériens, ont applaudi ce qu’ils ont perçu comme une gifle aux prises de positions du parti du président Emmanuel Macron qui s’est aventuré dans les affres de la diplomatie. Alors que les Marocains dont l’affaire du Sahara est une cause populaire et nationale y ont cru déceler un double jeu perfide de la France dans la région du Maghreb.
Dans la réalité ni les Algériens n’ont raison de se réjouir ni les Marocains de déplorer cette posture. Dans la même déclaration, Clément Beaune a tenu à rappeler la position constante de la France de soutenir la solution de l’autonomie proposée par le Maroc comme étant la seule issue crédible à ce conflit. Il a dit « regretter » la décision de LREM, sans doute parce que la décision a servi de prétexte au régime algérien pour polluer la visite de Castex et de la délégation ministérielle française et nourrir le torrent de haines algériennes à l’égard des Français, comme cette déclaration officielle d’un ministre qui décrit la France comme ennemi « traditionnel et éternel » de l’Algérie ou cette volonté de mettre sous tutelles, menaces à l’appui, les activités de l’ambassadeur français en Algérie François Gouyette et l’empêcher de rencontrer des membres de la société civile algérienne.
La déception des Marocains provient du fait que leurs attentes à l’égard de la France sont teintées d’impatience et de déceptions. Ils posent cette question de bon sens : Si la grande puissance américaine a reconnu la souveraineté du Maroc sur ses territoires sahariens, qu’est-ce qui empêcherait un pays aussi proche et aussi intimement lié au Maroc de procéder à la même reconnaissance ? La démarche du parti présidentiel doit-elle être interprétée comme un geste qui prépare aussi bien le terrain que les esprits à une inévitable reconnaissance française et derrière elle européenne, de la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara ?
Il n’empêche que cette problématique doit actuellement faire bien réfléchir dans les cercles français qui fabriquent la décision : La France est-elle réellement libre et souveraine dans ses choix diplomatiques à l’égard des pays du Maghreb ou doit-elle à chaque fois caresser les militaires d’Alger dans le sens du poil pour ne pas avoir à subir ni leur surenchère ni les méfaits de leurs coups tordus ?
Dans l’absolu, malgré le couac de Clément Beaune à l’Assemblée nationale qui a cédé sous la pression des lobbies pro-algériens, la France demeure un précieux soutien à l’international de la démarche marocaine.
A la Veille du 21 avril, date à laquelle les Nations-Unies vont procéder à une discussion et à une mise à jour des paramètres de résolution de ce conflit autour du Sahara marocain, avoir Paris comme un avocat de la solution de l’autonomie est déjà en soi un triomphe marocain et un échec cuisant algérien. Tout le reste n’est que postures et effets de manches.