Le 25 novembre, c’est vers le Maroc que vont s’orienter les projecteurs de la presse internationale. Les élections législatives anticipées et le futur gouvernement qui en sortira sont en effet le point d’orgue du processus de réformes démocratique annoncé dès le 9 mars par le roi Mohammed VI. Avec cette question à la clef: les islamistes, au Maroc comme ailleurs, vont-ils s’engouffrer dans cette fenêtre démocratique ? Le Parti de la justice et du développement (PJD), « épouvantail » électoral depuis près de dix ans et disposant déjà de 47 députés espère renforcer son ancrage de premier plan dans la vie parlementaire du royaume. Et peut-être prétendre à diriger le gouvernement. Avec quelles conséquences ? Probablement pas celles annoncées par les Cassandre désormais enhardis pour brandir le spectre du « péril vert » et des crises de régime. Même ponctuellement affecté par le terrorisme après 2001, le Maroc continue à vivre au quotidien un islam apaisé qui s’est invité pacifiquement dans le jeu démocratique avec le vigilant arbitrage du Palais royal.
Le roi Mohammed VI a eu la clairvoyance d’accélérer le processus démocratique en organisant une ambitieuse réforme constitutionnelle. Le futur Premier ministre sera donc issu de la formation victorieuse au suffrage universel. Une lourde responsabilité. C’est lui qui devra rendre des comptes sur ses succès comme ses échecs. Un jalon de plus franchi vers la « monarchie constitutionnelle et démocratique » appelée de ses voeux par le souverain qui a renoncé à designer le chef de l’exécutif. Mais, même dans l’hypothèse d’une forte poussée du PJD, qui a déjà donné de nombreux gages pour respecter le « consensus » national, les clefs de la Primature ne seront pas un sésame pour un bouleversement de la société marocaine profondément attachée à la tolérance.
Constitutionnellement, Mohammed VI reste le Commandeur des croyants et assure la maîtrise légitime du champ religieux à la différence des chefs d’Etats balayés par la révolution arabe faute d’avoir su ouvrir, un jour, l’échiquier politique.
Et, même imparfait, l’édifice démocratique marocain est solide. Il l’a déjà prouvé avec l’alternance socialiste de 1998.
L’opposition parlementaire, si les partis politiques relèvent le défi proposé par cette réforme, pourra compter sur des contre-pouvoirs sont aussi influents que nombreux. Loin de la dérive propagandiste de la presse tunisienne sous l’ère Ben Ali ou de la communication stalinienne du régime Kadhafi, les médias marocains sont solidement installés dans le jeu démocratique. La fameuse « société civile », qui s’appuie sur un très dense réseau associatif a aussi son mot à dire. Les femmes et la jeunesse marocaines, qui devraient mécaniquement profiter de l’augmentation du nombre de députés de la nouvelle chambre, ont déjà montré leur capacité à se mobiliser pacifiquement. Enfin, et ce n’est pas le moindre volet de « l’exception marocaine », les opérateurs économiques, alimentés depuis près de vingt ans par l’internationalisation des échanges ne sauront accepter un retour vers un islam dogmatique incompatible avec le décollage industriel, touristique, agricole et commercial du pays. A la différence de l’Algérie et la Libye, un temps qualifiées « de plate-formes pétrolières militaires » par des diplomates européens, le Maroc s’est ouvert à la mondialisation dès la fin des années 80. Une brutale poussée de fondamentalisme est résolument incompatible avec ce projet de société qui irradie tous les pans de la société marocaine.
Non, le véritable enjeu de cette consultation est ailleurs. Il s’agit, une fois ce diagnostic posé et assumé, de remplacer une génération d’hommes politiques fatigués et sclérosés par de nouvelles équipes légitimées par le suffrage universel. Et aptes à construire l’avenir du royaume avec des idées neuves. Quelle que soit leur étiquette politique.