Tests, modélisations, conflits d’intérêt… Le diagnostic sévère du Pr Raoult

« Je ne suis pas un prophète, même si je suis barbu ». Didier Raoult a déçu mercredi les députés qui souhaitaient connaître le « sentiment » sur l’avenir de l’épidémie de Covid-19 du chercheur marseillais, qui a en revanche étrillé la gestion de la crise par les autorités et les conflits d’intérêt dans la recherche.

Devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la gestion de la crise du coronavirus, le controversé directeur de l’IHU Méditerranée Infection a en particulier critiqué l’organisation selon lui « totalement archaïque » des tests de dépistage du Covid-19 en France, centralisée autour de l’Institut Pasteur.

« L’idée qu’on ne pouvait pas faire les tests n’était pas vraie », a jugé le microbiologiste spécialiste des maladies infectieuses, qui s’est attaché à tester massivement dans son institut, y compris des personnes ne présentant pas de symptômes, à rebours de la stratégie officielle à ce moment là.

Multipliant les affirmations difficilement vérifiables, les digressions historiques et les citations philosophiques, Didier Raoult a à plusieurs reprises au cours des trois heures d’audition mis en cause les « conflits d’intérêt » au sein des instances de recherche médicale et du Conseil scientifique créé le 11 mars pour éclairer les décisions du gouvernement.

Ephémère membre de ce conseil, il a expliqué l’avoir quitté parce que les questions qui y étaient discutées, comme le confinement, « ne (le) concernaient pas », regrettant que les choix de recommandations thérapeutiques aient été faits à l’extérieur de cette instance.

 « Ecosystème »
« Je ne suis pas un homme de réunion, je suis un homme de données », a-t-il avancé.

Le chercheur a également mis en cause le recours excessif aux modélisations mathématiques, une « croyance (…) qui finit par être de la religion ».

Le Pr Raoult a aussi renouvelé devant la commission d’enquête l’affirmation selon laquelle certains détracteurs de l’hydroxychloroquine seraient financièrement liés au laboratoire Gilead, fabricant du remdesivir, autre molécule dont l’efficacité est testée dans le traitement du Covid-19.

« Je ne dis pas qu’ils ont été achetés pour ça », a-t-il tempéré, évoquant « un écosystème », des « relations de familiarité » « de nature à changer le jugement des choses ».

Il a assuré avoir lui-même fait l’objet de menaces provenant de « celui qui avait reçu le plus d’argent de Gilead depuis six ans », sans le nommer.

Face aux demandes de précision des députés, le microbiologiste les a notamment renvoyés à la consultation de la base de données Transparence Santé, qui recense les liens d’intérêt entre les entreprises et les acteurs du secteur de la santé.

« Vous avez porté des accusations extrêmement graves », a résumé en conclusion Eric Ciotti (LR), rapporteur de la commission, assurant que ses membres allaient « explorer cette voie » et « en tirer toutes les conséquences ». Inconnu du grand public il y a quelques mois, ce scientifique qui se présente volontiers comme « anti-système » est devenu omniprésent dans les médias et sur les réseaux sociaux depuis qu’il a proclamé, le 25 février, que l’antipaludéen chloroquine était « probablement le traitement le moins cher et le plus simple pour traiter le coronavirus ».

Un optimisme loin d’être partagé par les autorités de santé et une grande majorité des scientifiques, qui soulignent que cette molécule n’a pas fait la preuve de son efficacité dans le traitement du Covid-19 et mettent en garde contre ses effets indésirables.

« grand scientifique »
Au cours de son audition, le chercheur marseillais, qui avait pour l’occasion troqué son éternelle blouse blanche pour une veste grise et une chemise à carreaux, a regretté que dans cette crise sanitaire, des « décisions médicales » aient été « préemptées par le politique », référence à l’interdiction de prescription de l’hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19 pour les médecins de ville, interdiction ensuite étendue le 27 mai à l’hôpital, sauf dans le cadre des essais cliniques.

« Celui qui a dit qu’on ne pouvait pas l’utiliser, il a fait une faute. (…) Que l’Etat se saisisse de tâches qui sont du soin usuel à la place des médecins et leur interdise des choses qui sont banales, je ne suis pas d’accord », a-t-il argumenté.

Didier Raoult a été peu bousculé sur ce point, alors que plusieurs membres de la commission d’enquête ont soutenu publiquement son « protocole » associant l’hydroxychloroquine, un dérivé de la chloroquine habituellement utilisé pour traiter des maladies auto-immunes, et l’antibiotique azithromycine.

Dernier député à le questionner, le généticien Philippe Berta (MoDem) est presque parvenu à le faire sortir de ses gonds en l’interrogeant sur ses « pseudo essais thérapeutiques pas recevables par qui que ce soit ».

« Je suis un grand scientifique, je sais ce qu’est un essai », s’est récrié le chercheur.

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