Après d’intenses négociations, les 15 pays du Conseil de sécurité de l’Onu ont adopté à l’unanimité la résolution 2042 qui prévoit à terme une mission de surveillance qui devrait compter 250 hommes. Sur le papier, les puissances mondiales, le gouvernement de Bachar al Assad et l’opposition syrienne ont approuvé le plan en six points de l’émissaire Kofi Annan pour tenter de ramener la paix, mais la réalité apparaît bien moins simple.
La Russie et la Chine, qui ne veulent pas voir se renouveler le scénario qui a prévalu en Libye, ont opposé deux fois leur veto à des projets de résolution soutenus par les Occidentaux et la Ligue arabe. De leur côté, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne souhaitent obtenir le départ d’Assad dont la famille règne sur la Syrie depuis quatre décennies.
"La principale question pour le moment est le déploiement rapide des observateurs", a dit un responsable occidental s’exprimant sous couvert de l’anonymat. "C’est une priorité mais cela n’est pas la seule et au bout du compte on ne voit pas l’avenir de la Syrie avec Assad au pouvoir. Cela risque de prendre du temps", a-t-il ajouté.
Les Occidentaux disposent finalement de peu de leviers pour faire aboutir leur plan et même l’idée soutenue par les Etats-Unis d’offrir une assistance pacifique à l’opposition pourrait être abandonnée, principalement en raison de son manque d’efficacité et de la division qui règne parmi les opposants.
Kofi Annan, les puissances occidentales et leurs alliés arabes estiment que pour l’instant Bachar al Assad ne respecte pas les engagements contenus dans le plan de l’ancien secrétaire général de l’Onu. En privé, des diplomates occidentaux expriment leur inquiétude face à la stratégie actuelle qui pourrait seulement aboutir à enfoncer un coin entre ceux qui veulent voir tomber Assad et la Russie et la Chine, crispées sur leur position.
"L’enjeu du week-end est de voir si la trêve tient et si les observateurs sont acceptés. Après, cela deviendra plus compliqué", explique un autre diplomate. Le seul espoir réaliste, ajoute un responsable, est que les troupes d’Assad cessent d’utiliser les armes lourdes pour mâter la rébellion.
Mais comme l’ont montré les précédents exemples au Sri Lanka et au Kosovo, les observateurs dépêchés sur le terrain risquent d’avoir bien du mal à empêcher les massacres, les enlèvements et le recours aux tireurs embusqués. Peu estiment que les forces syriennes vont effectivement se retirer des centres urbains et autoriser les manifestations pacifiques comme le prévoit le plan d’Annan.
En fait, le véritable défi se présentera lorsque les observateurs auront constaté une diminution du nombre des violences mais que la Syrie continuera à ne pas respecter d’autres dipositions du plan de paix.
A ce stade, les Occidentaux affirment qu’ils reviendront devant le Conseil de sécurité avec une résolution plus contraignante, s’inspirant des deux précédentes rejetées par Moscou et Pékin. Cela pourrait signifier des sanctions renforcées et peut-être l’ouverture de "couloirs humanitaires" protégés par une force internationale. L’espoir serait alors de voir la Russie et la Chine perdre patience face à l’entêtement d’Assad et d’accepter finalement des mesures plus contraignantes.
Beaucoup doutent qu’un tel scénario puisse se produire car Moscou entend conserver de "manière permanente" son accès militaire au littoral syrien via la base navale de Tarsus, comme l’a rappelé une agence de presse russe, vendredi.
Des diplomates ont toutefois indiqué que de hauts responsables russes ont informé leurs homologues s’attendre à voir Assad tomber et envisager qu’il puisse être remplacé par un autre représentant de la minorité alaouite.
Pour les Occidentaux, le casse-tête réside dans l’absence d’unité présentée par l’opposition syrienne qui n’apparaît pas comme une solution de rechange crédible au régime de Bachar al Assad. "Le problème est qu’il y a tout un éventail de groupes très disparates", explique un autre responsable occidental. "Il faut s’assurer que l’on va faire plus de bien que de mal".
Les analystes pensent que la Turquie, acteur important dans la région, pourrait envoyer des troupes en Syrie afin de créer une zone tampon si les accrochages frontaliers et l’afflux de réfugiés se poursuivent.
Les puissances étrangères semblent, de plus, peu enclines à une intervention militaire et les Américains eux-mêmes semblent se préparer à ce que les choses durent.
"Il y a le sentiment qu’à long terme les sanctions pourraient avoir un effet, que la Chine et la Russie en particulier pourraient faire évoluer leur position. A court terme, ce que l’on peut faire est vraiment limité", estime Jon Alterman, ancien responsable au département d’Etat.