Permettant de justifier d’une vaccination contre le Covid-19, d’un test négatif ou d’une immunité à la suite d’une infection pour faciliter les passages aux frontières, le «pass sanitaire » européen, mis en service depuis jeudi, suscite déjà des inquiétudes quant au creusement des inégalités en matière d’accès aux vaccins, avec leur lot de conséquences négatives pour les économies de nombreux pays.
Le mécanisme COVAX, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) sont membres, s’est inquiété, jeudi, de la non-reconnaissance par le certificat Covid européen de vaccins qu’elle a pourtant homologués, relevant que « cela va exacerber les inégalités que nous avons déjà constatées dans la distribution des vaccins Covid-19 », ce qui aurait « un impact négatif sur la croissance des économies qui souffrent déjà le plus ».
Plus largement, de telles mesures, aux yeux d’organisations internationales, sapent déjà la confiance dans des vaccins qui sauvent des vies et dont la sécurité et l’efficacité ont déjà été démontrées. Selon le COVAX, ces mesures affectent l’utilisation des vaccins et peut mettre en danger des milliards de personnes.
« À l’heure où le monde s’efforce de reprendre les échanges, le commerce et les voyages, ces mesures sont contre-productives, tant dans l’esprit que dans les résultats », insiste le mécanisme de solidarité internationale.
L’Union Africaine s’est s’insurgée, pour sa part, contre les critères de sélection des vaccins jugés valides par ce certificat vert européen. D’après l’UA, le fait que ce laissez-passer sanitaire ne s’applique qu’aux vaccins ayant reçu une autorisation de mise sur le marché à l’échelle de l’UE, exclut de fait plusieurs citoyens issus de pays africains qui ont opté pour des vaccins différents.
Ainsi, alors que le vaccin AstraZeneca (ChAdOx1_nCoV-19) produit et autorisé en Europe (Vaxzervria) est inclus, la même version du vaccin (Covishield) produit sous licence par le Serum Institute of India (SII), est exclue. En vertu de cette réglementation, les personnes qui ont reçu le Covishield, même si elles sont en mesure de prouver qu’elles ont été vaccinées, continueraient d’être soumises à des restrictions de santé publique, y compris des limitations de mouvement et des exigences de test, avec des implications administratives et financières considérables » indique le communiqué de l’instance panafricaine.
Pour rappel, le vaccin Covishield, une des versions d’AstraZeneca produite en Inde, est l’un des principaux vaccins permettant d’alimenter l’initiative Covax, qui vise à aider les pays en développement à combler les retards dans leurs campagnes de vaccinations. Ainsi, l’exclusion de ce sérum de la liste homologuée par l’UE dans le cadre de son pass sanitaire pourrait rendre inéligible plusieurs citoyens africains à l’entrée en Europe.
« En outre, étant donné que l’objectif exprimé pour la production du Serum Institute of India est de servir l’Inde et les pays à faible revenu, le SII pourrait ne pas demander une autorisation de mise sur le marché à l’échelle européenne, ce qui signifie que les inégalités d’accès aux « laissez-passer verts » créées par cette approche persisteraient indéfiniment », indiquent les autorités sanitaires panafricaines.
Face à cette situation l’Union Africaine a appelé la Commission européenne à « envisager d’accroître l’accès obligatoire aux vaccins jugés aptes à être déployés à l’échelle mondiale par le biais de la facilité COVAX soutenue par l’UE », une demande qui pourrait également être étendue par certains pays aux vaccins russes et chinois, déjà adoptés par plusieurs pays africains, mais qui n’ont toujours pas été homologués par les instances européennes.
Jeudi, les partenaires au sein du dispositif COVAX ont demandé à toutes les autorités gouvernementales régionales, nationales et locales de reconnaître « comme pleinement vaccinées toutes les personnes ayant reçu des sérums « jugés sûrs et efficaces » par l’OMS et/ou les 11 autorités de réglementation strictes (SRA) approuvées pour les vaccins Covid-19, lorsqu’elles prennent des décisions sur les personnes autorisées à voyager ou à participer à des événements ».
COVAX rappelle que son dispositif a été construit sur le principe d’un accès équitable aux vaccins afin de protéger la santé des populations du monde entier. « Cela signifie qu’il faut protéger leur vie et leurs moyens de subsistance, y compris leur capacité à voyager et à faire du commerce », souligne le mécanisme dans son communiqué.