Le reste du Monde arabe, à commencer par une Syrie fortement instable, une Algérie hésitante et inquiète, des pays du golfe murés dans leur conservatisme, observe attentivement cette expérience marocaine, parfaite illustration d’un processus démocratique pacifique.
Le Maroc a donc choisi les urnes pour opérer le changement rêvé par les printemps arabes qui ont enflammé les désirs de changement de toute une jeunesse assoiffée de réformes. Cette expérience rencontre à la veille de ce scrutin trois enjeux et un grand défi.
Le premier enjeu de ces élections marocains est qu’elle puisse se passer dans des conditions libres et transparentes, libres de toutes contraintes ou pesanteurs, sans l’intervention de l’argent qui corrompt et fausse les volontés. Une dynamique nouvelle doit être à l’œuvre pour séduire et convaincre. Les nombreux observateurs nationaux et internationaux doivent constater à la fin de cette expérience que le Maroc est définitivement entré dans la pratique démocratique saine, loin des scénarios écrits à l’avance dans des officines qui se nourrissent de clientélisme et de népotisme.
Le second enjeu est que ce scrutin puisse aboutir à un grand renouvellement de la classe politique qui dirige le pays depuis des décennies. De nouveaux visages, de nouvelles trajectoires qui vont fatalement engendrer une nouvelle gouvernance, ne peuvent que renforcer le crédit de cette expérience électorale et lui donner le lustre qu’elle mérite. Le parlement étant le réceptacle de la volonté populaire, ceux qui doivent y siéger doivent s’engager avant tout à améliorer le quotidien et garantir leurs droits à un avenir meilleur.
Le troisième enjeu de ce scrutin marocain est qu’il puisse démentir toutes les prévisions qui annoncent un raz- de- marée islamiste. Ce n’est pas parce que Tunis avait voté Ennahda pou son Assemblée constituante, que le Caire fait le yeux doux aux frères musulmans, que Tripoli porte aux nue le radicalisme islamiste sur fond de convulsions tribales, que cela doit déteindre sur l’expérience marocaine. Si ce scrutin accouche de résultats équilibrés, ni parti dominant, ni parti minoritaires, cela aurait un immense impact et démystifiera l’axiome-épouvantail selon lequel dès qu’une élection organisée dans un espace arabe est libre, il aboutit forcément à un vote islamisant.
Le scrutin marocain du 25 novembre doit surmonter un autre défi : le taux de participation. Il est intéressant de constater que les forces hostiles à cette expérience ont misé toutes leurs énergies sur un appel à la non participation et au boycott, avec l’espoir de lier un éventuel faible taux de participation à une histoire de légitimité et de faible représentativité. Mais quel que soit le taux que le ministère de l’Intérieur affichera au soir du 25 novembre, il sera au centre des toutes les préoccupations et célébrations. Ironie de l’histoire, l’abstentionnisme est devenue une maladie propre aux démocraties occidentales bien installées. Elle est le fruit d’une désaffection généralisée à l’égard de la chose publique, soit parce que l’offre politique n’est pas suffisamment séduisante, soit parce que l’action publique est suffisamment protégée pour mériter une mobilisation particulière. Dans le cas d’une démocratie naissante comme celle du Maroc, elle peut acquérir de nombreuses significations et imposer de multiples leçons, comme celle qui commence déjà à voir le jour dans les colonnes de la presse marocaine sur la viabilité des partis politiques et leur adéquation avec la nouvelle séquence politique que vit le pays.