Les Maghrébins victimes des dis­cri­mi­na­tions à l’em­bauche

La dis­cri­mi­na­tion à l’em­bauche liée à l’ori­gine pa­tro­ny­mique sup­po­sée existe toujours en France. Une cam­pagne ré­vèle que 30 % des 40 grandes en­tre­prises tes­tées pré­sentent des risques éle­vés d’être hors la loi. Les dis­cri­mi­na­tions à l’em­bauche, pour­tant lar­ge­ment condam­nées par la loi, gan­grènent tou­jours le mar­ché du tra­vail fran­çais.

Le mal est connu de­puis des an­nées. Fin 2004, l’Ins­ti­tut Mon­taigne avait dé­jà ti­ré la son­nette d’alarme et lan­cé une charte de la di­ver­si­té, à la­quelle de grandes en­tre­prises avaient adhé­ré. Le CV ano­nyme a lui été créé par une loi de mars 2006. Il y a un an, l’Ins­ti­tut Mon­taigne a pu­blié une nou­velle étude, dé­mon­trant qu’à di­plômes égaux un can­di­dat pré­su­mé ca­tho­lique ou juif a be­soin d’en­voyer trois à quatre fois moins de CV qu’un can­di­dat pré­su­mé mu­sul­man avant de re­ce­voir une pro­po­si­tion d’en­tre­tien.

Face à cette réa­li­té, My­riam El Khom­ri, la mi­nistre du Tra­vail, a lan­cé en avril der­nier un nou­veau plan pour ten­ter d’en­di­guer le phé­no­mène. Au me­nu, une cam­pagne de com­mu­ni­ca­tion et une en­quête de ter­rain au­près de 40 en­tre­prises im­por­tantes afin de tes­ter leurs pra­tiques.

Les ré­sul­tats glo­baux de la cam­pagne de « tes­ting » ano­nyme que le mi­nis­tère du Tra­vail a dé­voi­lés lundi en confirment l’am­pleur. Menée au­près de 40 en­tre­prises, la plu­part de plus de 10.000 sa­la­riés, entre avril et juillet, il en res­sort en cas de ré­ponse po­si­tive aux CV en­voyés un écart de 11 points en moyenne en dé­fa­veur d’un can­di­dat magh­ré­bin. Si l’éga­lité de trai­te­ment a été le plus sou­vent res­pec­tée, 12 des 40 en­tre­prises pré­sentent des écarts « sta­tis­ti­que­ment si­gni­fi­ca­tifs », qui vont de 15 à 35 points. Soit 30 % du panel.

Ampleur de l’écart

« Ce tes­ting, d’une am­pleur in­édite dans notre pays, montre bien que l’in­éga­li­té de trai­te­ment à l’em­bauche est criante. Elle met à mal tout notre dis­cours sur la pro­messe d’éga­li­té ré­pu­bli­caine », a fus­ti­gé la ministre du Travail My­riam El Khom­ri. « Nous avons été sur­pris par l’am­pleur des pra­tiques de dis­cri­mi­na­tion, tout comme les en­tre­prises », abonde son ministère. « D’au­tant que par­mi les so­cié­tés mal clas­sées, cer­taines avaient des pro­grammes in­ternes de pro­mo­tion de la di­ver­si­té. Ils sont tom­bés de leur chaise. »

Pour mener cette cam­pagne, le ca­bi­net spé­cia­lisé ISM Corum, as­sisté de la Di­rec­tion sta­tis­tique du mi­nis­tère, a sé­lec­tionné une qua­ran­taine d’en­tre­prises sur la base d’un vo­lume im­por­tant d’offres d’em­ploi pour cer­tains mé­tiers. Pour chaque offre ont été en­voyés deux CV équi­va­lents en termes de com­pé­tences, âge, sexe, nationalité française ou ré­si­dence pour ré­pondre à une même offre d’em­ploi.
L’une des can­di­da­tures por­tait un pré­nom et nom à conso­nance « hexa­go­nale », l’autre magh­ré­bine.

Ré­sul­tat des courses : dans 71 % des cas, les deux can­di­da­tures ont connu le même sort – qu’il s’agisse d’un re­fus, d’une ré­ponse po­si­tive ou d’ab­sence de ré­ponse. Mais dans le cas où l’en­tre­prise ne re­te­nait qu’un seul CV, la can­di­da­ture hexa­go­nale ap­pa­raît fa­vo­ri­sée. Au fi­nal, elle a re­çu 47 % de ré­ponses fa­vo­rables, contre 36 % pour celle sup­po­sée d’as­cen­dance mi­gra­toire. Tous les postes et sec­teurs d’ac­ti­vi­té sont concer­nés.

Dé­si­gner les fau­tifs

Toutes les en­tre­prises concer­nées ont été re­çues par le ca­bi­net de My­riam El Khom­ri. Bons comme mau­vais élèves ont dû s’ex­pli­quer sur leurs pra­tiques. « Les bons ré­sul­tats ne sont ja­mais le fruit du ha­sard », jus­ti­fie l’en­tou­rage de la mi­nistre. Ceux dont l’exer­cice a dé­voi­lé la ten­dance à dis­cri­mi­ner de­vront d’ici les pro­chaines se­maines en­voyer au mi­nis­tère un plan d’ac­tion pour re­voir leurs pro­cé­dures d’em­bauche. Ils se­ront en­suite re­çus fin jan­vier par le ca­bi­net. Leur plan de me­sures cor­rec­tives se­ra étu­dié par un co­mi­té d’au­dit.

«Si ce ne sont que des me­sures cos­mé­tiques, je n’hé­si­te­rai pas à dé­si­gner pu­bli­que­ment » les en­tre­prises en faute, a de nou­veau me­na­cé My­riam El Khom­ri. La mi­nistre sou­haite que cette en­quête soit re­con­duite tous les ans. Et elle a si­gné lun­di une conven­tion de lutte contre les dis­cri­mi­na­tions dans l’em­ploi avec Jacques Tou­bon, le Dé­fen­seur des droits. La col­la­bo­ra­tion por­te­ra no­tam­ment sur des me­sures d’in­for­ma­tion en­vers les vic­times de dis­cri­mi­na­tion.

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