L’aeroexpo de Marrakech, révélateur des ambitions marocaines
Un véritable mini salon du Bourget à Marrakech. Sur le tarmac qui jouxte l’aéroport civil et le long des chalets et des stands, sont exposés de nombreux avions et hélicoptères civils et militaires (Hercule C130, F16 américain, jets d’affaires, le dernier avion régional d’ATR…).
Dans les airs, la Marche verte, la patrouille de France marocaine mais aussi une opération de ravitaillement à basse altitude ravissent le public. Deux ans après la première édition, ce second rendez-vous qui se tient du 27 au 30 janvier, s’est considérablement étoffé : selon l’organisation, 300 exposants sont présents, et 40 000 visiteurs sont attendus. « En deux ans, l’activité du salon a quasiment doublé. Une vingtaine de délégation ministérielle renforcée par leur direction générale de l’aviation civile de toute l’Afrique ont fait le déplacement ainsi que de nombreux Etats-majors », indique le commissaire général du salon Frédéric Le Henaff.
En quelques années, le Maroc s’est en effet imposé comme une base de sous-traitance industrielle pour les grands donneurs d’ordres européens de l’aéronautique et du spatial. Aujourd’hui, le secteur emploie 7 000 salariés à travers 90 sociétés et a réalisé à l’export un chiffre d’affaires de 700 millions d’euros. Habitué à une croissance de l’ordre de 25 % par an depuis le début des années 2000, la crise du secteur frappe toutefois aussi le Royaume. En 2009, la croissance est tombée à 10 % et devrait être nulle en 2010. Toutefois, la Maroc compte accélérer ses efforts pour attirer les industriels européens. « L’aéronautique a été identifié comme l’un des sept secteurs clés industriels prioritaires pour le Maroc. Nous voulons être pour l’Europe ce qu’est le Mexique pour les Etats-Unis », explique Ahmed Reda Chami, ministre de l’industrie, du commerce et des nouvelles technologies.
Outre la proximité géographique et culturelle, le pays met en avant sa forte compétitivité sur les coûts liée aux faibles coûts de main d’œuvre. L’équivalent du smic marocain est à 170 euros par mois pour 42 heures de travail hebdomadaires! Le Maroc promet ainsi aux industriels européens 50 % de réduction de leurs coûts salariaux s’ils s’installent de ce côté de l’Atlantique. Qui plus est, le pays déroule aussi le tapis rouge pour attirer les industriels : exonération totale de l’impôt sur les sociétés durant 5 ans, prise en charge d’une partie des frais de formation du personnel technique, développement ou extension de nouvelles zones franches comme celle de Nouasseur près de l’aéroport international de Casablanca… Et les ambitions sont clairement affichées. « Nous voulons créer 15 000 emplois supplémentaires dans le secteur aéronautique et générer 4 milliards de dirhams (360 millions d’euros, ndlr) de PIB dans la période 2009-2015 », précise le ministre.
Les industriels français figurent parmi les plus présents au Maroc. D’ailleurs, la délégation tricolore à Marrakech, avec celle des Américains, est la plus impressionnante. La filiale de Safran, Aircelle présente sur son stand un inverseur de poussées assemblé dans son usine locale, EADS Sogerma expose son dernier siège pour les passagers 1ere classe, en partie réalisé à Casablanca… « Environ 38 sociétés de nos membres sont exposants », explique un représentant du Gifas, le groupement des industriels français de l’aéronautique et de l’espace.
Au fil du temps, ces grands donneurs d’ordre ont entraîné derrière eux, leurs sous-traitants. Parmi eux, Bouyausare, une PME vendéenne basée à Saint-Hilaire de Voust, qui fabrique des pièces mécaniques de précision qui a développé une première activité au Maroc dès 2004. « Nous étions au départ hébergé par un industriel marocain. En 2008, nous avons ouvert notre propre usine à Tanger qui comptera bientôt une cinquantaine de personnes. Cela nous permet d’avoir des gains entre 15 et 30% sur le coût final du produit », explique Marc Moreuil, directeur général de la société. Cette PME de 250 salariés a investi 2 millions d’euros pour sa nouvelle usine de 3600 m2, bénéficiant des aides financières Hassan II pouvant représenter jusqu’à 10 % des investissements relatifs aux coûts d’acquisition des terrains et des bâtiments. « Au final, cet investissement au Maroc nous a permis de gagner de nouveaux clients et de nouveaux marchés. A terme, environ 15 % de l’activité de notre nouvelle usine se fera ici avec nos partenaires locaux au Maghreb ».
D’autres exposant sont toujours tentés de s’implanter au Maroc, comme Uni Air, acteur de la maintenance aéronautique dans le domaine des avions d’affaires en France. « Cela pourrait avoir du sens de développer un atelier au Maroc. Cela nous apporterait des capacités supplémentaires en cas de saturation de nos activités sur Toulouse et le Bourget et d’autre part, cela permettrait à nos clients originaires d’Afrique d’être directement traité sur place », explique l’un de ses commerciaux. Uni Air fait attention cependant aux investissements à consentir pour développer son activité (locaux, recrutements, formation…) et aux coût cachés comme notamment les envois des pièces de rechange depuis ses centres en France.
Avec la crise du secteur aéronautique, les entreprises sont devenues plus prudentes avant de développer une nouvelle activité de ce coté de la Méditerranée. Le Maroc l’a bien compris et avec un tel salon, s’efforce de lever leurs derniers doutes.
Hassan Meddah