Ce qui était prévu et anticipé par tous arriva. Les Tunisiens ont boycotté massivement les élections législatives auxquelles le président Kais Saied les a invité. Cette abstention record et spectaculaire confirmait l’attitude de défi a l’égard du changement de la constitution par voie référendaire quand le président tunisien tentait de de tisser un costume institutionnel d’inamovible dictateur.
Kaïs Saïed est une caricature de lui même. Déjà présenté comme une ovni, le président amuse la galerie nationale et internationale par un style parole inimaginable. Un débit saccadé comme s’il sortait du film Terminator, une attitude extra-rigide qui rappelle les années trente avec sa floraison de dictateurs, Kaïs Saïed a facilement endossé le sobriquet de Robocop, au début affectueux mais avec le temps angoissant.
Car les Tunisiens ont au début plutôt bien accueilli ce personnage qui casse tous les codes et qui met par son élection un terme à de longues années à ce qui s’apparentait à de la gabegie politique, faite de corruption politique et de surplace institutionnel.
Mais ces mêmes tunisiens vont vite déchanter. Le vrai visage de Kaïs Saïed est apparu au grand jour. Despotique et autoritaire, et sous prétexte de lutter contre la mouvance islamiste, il s’est livré à un coup d’Etat politique pour s’emparer de tous les leviers du pouvoir. En cela, le président tunisien voulait imiter le précédent égyptien. Sauf que dans sa lutte contre le régime des Frères Musulmans de Mohamed Morsi, le président égyptien avait avec de son côté la totalité de l’armée et une grande partie de l’opinion égyptienne. N’est pas Sissi qui veut !
Kaïs Saïed n’a ni l’armée ni l’opinion tunisienne avec lui. Son seul mur porteur politique et économique est le régime algérien. Il s’est volontairement mis aux ordres de l’agenda algérien dans la région. Comme le montre sa relation antagoniste avec le Maroc et sa réception du séparatiste Brahim Ghali , alias Benbatouche, président de la chimérique république sahraouie lors du sommet Afrique-Japon.
D’ailleurs, depuis que le président tunisien Kaïs Saïed s’est mis debout aux ordres des galonnés algériens, poussant certains commentateurs algériens à considérer la Tunisie comme une provinciale algérienne, sa chute aux enfers était programmée.
Kaïs Saïed affronte un double défi. Son échec flagrant de convaincre les Tunisiens de la pertinence de son projet politique. Le taux d’abstention historiquement bas et les multiples appels à sa démission soulignent à la fois sa grande solitude et l’impasse vers laquelle il mène le pays .
L’autre défi concerne les partenaires internationaux. Si le voisin algérien va exploiter jusqu’à la lie cette dépendance tunisienne, il ne pourra pas remplacer les aides de les facilités économiques internationales, notamment ceux du FMI , susceptibles d’amoindrir les effets de la crise. Si le président français Emmanuel Macron a à plusieurs reprises promis d’aider Kaïs Saïed, il ne pourrait pas le faire, malgré toutes ses bonnes volontés, face à une telle perte de crédibilité et a une aussi spectaculaire solitude.
L’administration américaine, contrairement à la perception française, ne prend pas de gants pour critiquer le tournant dictatorial de Kaïs Saïed. Elle exige une plus grande intégration politique en Tunisie. Ce qui équivaut à dire au président tunisien d’abandonner sa vocation d’inamovible dictateur. Ce dont par conviction, il est incapable aujourd’hui.
Aujourd’hui la Tunisie vit une séquence d’une grande dangerosité. La crise économique doublée a l’impasse politique peut engendrer une instabilité et une hémorragie inédite dans ce pays considéré par beaucoup comme le berceau des printemps arabes.
Et manifestement l’évocation du danger islamiste dont l’existence est sans doute réelle, et l’excuse de son éradication n’ont pas convaincu les Tunisiens de donner leur confiance et leur soutien au projet politique de Kaïs Saïed. Il est resté seul, isolé, en échec total dans sa tentative de se créer un parlement qui ne peux ni censurer le gouvernement ni renvoyer le président.
Toute la question aujourd’hui est de savoir jusqu’à quand cette situation tunisienne est-elle tenable en présence d’une classe politique en totale rupture avec le président, d’une opinion tunisienne en posture de défi à l’égard du Palais de Carthage et d’une communauté internationale nourrie par le sentiment de méfiance qui refuse de cautionner la fabrication d’une dictature aux pulsions autoritaires assumées.
De la réponse à ces interrogations dépendent la stabilité sociale et politique de ce pays.