Dans les grands groupes, "l’assemblée générale des actionnaires sera consultée sur les rémunérations et, lorsqu’elles dépassent un million d’euros, l’entreprise aura une contribution à payer qui, toutes impositions confondues, atteindra 75%", a-t-il annoncé.
Cette promesse, emblématique de sa volonté de lutter contre les rémunérations «indécentes» des patrons du CAC 40 qui ont bondi malgré la crise, a connu des fortunes diverses.
Annoncée par surprise le 27 février 2012, elle avait contribué à relancer la campagne du candidat socialiste. Une fois à l’Elysée, le chef de l’Etat a confirmé la mesure, symbole d’une série de hausses d’impôts visant les plus riches.
Mais les «75%» ont aussi rapidement cristallisé les critiques de la droite et du patronat contre un «matraquage» fiscal accusé de pousser les plus fortunés à l’exil — une polémique qui a tourné à la tragicomédie avec l’expatriation de Gérard Depardieu.
Le Conseil constitutionnel a porté le coup de grâce à la première version de la taxe, le 29 décembre, par une censure à double tranchant. Les «sages» ont mis en cause le fait qu’elle visait chaque personne et non le foyer fiscal, mais leur décision maintenait la menace d’une nouvelle censure motivée, cette fois, par son caractère «confiscatoire».
Le président Hollande a immédiatement promis une nouvelle mouture, qui s’est rapidement muée en casse-tête.
Le Conseil d’Etat, saisi par Bercy pour éviter une nouvelle déconvenue, a laissé peu de possibilités à l’exécutif: le taux d’imposition ne peut dépasser 66,66% de l’ensemble des revenus d’un foyer fiscal, a-t-il prévenu dans son avis publié il y a une semaine. Cela reviendrait à ne taxer qu’à 60% les revenus d’activité, bien loin des 75% de la promesse initiale.
La plus haute juridiction administrative a toutefois laissé une porte de sortie au gouvernement, remettant sur la table la piste d’un prélèvement via les entreprises qui avait été étudiée puis écartée.
«L’objectif qui consisterait à imposer les rémunérations très élevées ne semble ainsi pouvoir être atteint (…) que par l’imposition de la partie versante», écrivent les juges administratifs.
Ils donnent même le mode d’emploi: une mesure de «non-déductibilité du résultat imposable de la partie de la rémunération versée supérieure à un million d’euros» ou, plus simplement, une «taxation de cette fraction de rémunération».
Pour cette dernière solution, le Conseil d’Etat cite en exemple la taxe exceptionnelle de 50% sur la partie des bonus des traders excédant 27.500 euros, une mesure à la charge des banques votée en 2010 par la précédente majorité de droite.
Malgré l’arbitrage présidentiel, le dispositif est cependant loin d’être prêt. Le Conseil d’Etat estime qu’il nécessite une «analyse juridique plus détaillée» et plusieurs sources gouvernementales ont confirmé à l’AFP que les modalités techniques impliqueraient d’importants travaux dans les prochaines semaines.
La réforme doit être présentée au plus tard dans le projet de budget pour 2014, en septembre.
«La principale question, c’est comment on calcule les 75%, quels prélèvements on y inclut», a expliqué à l’AFP le directeur de l’Institut des politiques publiques (IPP), Antoine Bozio.
Selon cet économiste, patrons et entreprises pourront aussi trouver des moyens de la contourner en partie, soit en repoussant les augmentations salariales de deux ans, puisque la taxe reste temporaire, soit, quand ils le peuvent, en choisissant d’être rémunérés autrement (stock-options, dividendes, parachutes dorés…).