Après le covid, les caisses seront vides

Comme un extra terrestre prédateur, venu d’une autre galaxie, petit par la taille mais terrible par sa férocité, le covid 19 a semé la terreur à travers les continents de la planète Terre, tuant, ici ou là, des femmes et des hommes par dizaines de milliers. Un virus invisible, imprévisible et terriblement transmissible entre les humains. Il a déclaré, seul, une guerre d’extermination contre l’humanité. Il a mis à l’arrêt tout un pan de l’économie mondiale en moins de trois mois. Il y a une semaine, Il a fixé le prix du pétrole à moins d’un dollar le baril. Il vide les caisses des Etats par dizaines de milliards de dollars par jour. Il a décrété, qu’après son éventuel départ, le monde des terriens ne sera plus comme avant. Il a démontré, ce que le capitalisme s’obstine et refuse d’admettre : l’obsolescence programmée de l’ordre mondial.

Chaque jour, les responsables politiques réorientent leurs stratégies de confinement ou leurs levées partielles sans trop de certitudes quant au retour à la vie normale. Chaque jour, les médias révèlent, par petits bouts, des scandales d’Etat sur la gestion improvisée ou chaotique de la pandémie. En clair et sans jeux de mots, les masques sont tombés signant l’épilogue d’une posture qui n’a qu’assez durée, celle du mythe de l’Occident, du rêve américain ou du miracle chinois qui faisaient office de déterminisme géopolitique. Egalement, la fin d’un mépris à l’égard des pays en voie de développement quant à leur incapacité à gérer des pandémies. Le monde est médusé face à la pénurie des masques, aux détournements des cargaisons de masques, en provenance de Chine, par des Etats donneurs de leçons par le recours aux veilles couturières pour confectionner des masques artisanaux… alors que le Maroc en fabrique des millions d’unités par jour et en capacité d’en exporter ou d’en faire dons aux pays d’Afrique tout en garantissant la logistique d’acheminement aux pays destinataires.

Oui, les masques sont tombés, et par effet des dominos, et dans leurs sillages, une série de paradigmes, de déterminismes et de certitudes. Paradoxe de notre époque, des pays sont touchés dans leurs égos, dans leurs obsessions narcissiques et dans leurs sentiments de supériorité réelle ou supposée. Pendant ce temps, d’autres pays, le Maroc, entre autres, s’érigent en modèle d’Etats prévoyants, d’éclosion de génies et de performance en matière de procédés et de procès dans le protocole de lutte contre la pandémie du covid 19. Ces « petits pays » qui ont su interagir avec la mondialisation, alors que les grandes puissances vieillissantes se sont agrippées, becs et ongles, à l’ancien ordre mondial, dessiné par le géographe français, Alfred Sauvy, qui a figé les Etats en trois catégories : les pays industrialisés occidentaux, la Russie et ses satellites, et, le Tiers monde, par référence à l’ordre mondial établie au moyen âge : la noblesse, le clergé et le tiers état !

Oui, les masques sont tombés par le souffle de cette tempête sanitaire qui a mis à mal la grille de lecture de la société moderne dans ses composantes cardinales. A travers cinq points de cette même grille de lecture, ces supposés Etats modernes et prospères se résignent aujourd’hui à verbaliser le sens de cette crise et à exceller dans les éléments de langage de nature à dimensionner la solidité de leurs socles, de plus en plus sismique et à conjurer le sort qui sonne leur déclin, leur déclassement et leur crépuscule.

La résilience des Etats est mise en doute : politologues, sociologues, psychologues et experts qui scrutent à la loupe l’évolution des sociétés modernes sont, de plus en plus, dubitatifs quant à la capacité et au scénario de jours meilleurs, compte tenu des gouvernants qui naviguent à vue d’œil dans un monde incertain et face des nouvelles menaces qui se profilent, tant sur le plan sanitaire, économique qu’écologique. La coagulation inévitable des trois menaces planétaires finira par fissurer les Etats- géants à pieds d’argile. La même société savante ne cesse d’émettre des signaux d’alarme quant à la capacité de résilience des Etats-géants, en dépit des discours tranquilo- thérapeutiques distillés par la communication institutionnelle. La fracture sociopolitique et historique ne cesse se s’élargir depuis la fin des trente glorieuses jusqu’à l’affaiblissement de la résilience des Etats européens en passant par la déconstruction idéologique de l’Etat providentielle, porté par la pensée progressiste. Une idéologie qui a signé sa défaite face au libéralisme triomphant en déclarant la défaite de la pensée, et donc de l’Etre, face à la victoire de l’Avoir, comme nouveau dogme dans la régulation des rapports intra humains et de la mondialisation chronophage.

La défiance à un discours politique inaudible et autiste qui a perverti le sens éthique et étymologique de la démocratie et de la souveraineté des peuples. Depuis une dizaine d’années, le monde a connu une multitude de contestations sociales et politiques. La vague de contestations et d’insurrections n’a épargné aucun continent. Le printemps arabe, la radicalisation religieuse ou écologique, le populisme, le mouvement des gilets jaunes, le Hirak en Algérie, les tensions en Amérique Latine, le séparatisme en Espagne, le Brixit… autant de mouvements qui se recoupent à travers une montée de la défiance vis-à-vis du politique et des gouvernants. Des mouvements qui appellent, chacun où il est, à la nécessité du changement de l’ordre établi. L’arrivée de la pandémie du covid 19 a remis à l’ordre du jour cette injonction aux changements de paradigmes et à la refonte du contrat social et/ ou politique entre les gouvernant et leurs peuples. Un changement de virage inéluctable par l’aveu même de certains chefs d’Etat. La démocratie doit être redéfinie constitutionnellement et implicitement dans l’exercice du pouvoir devenu subordonné, désormais, à la dictature de la finance.

La décroissance effet domino des crises majeures : un phénomène devenu systémique depuis le choc pétrolier de 1974 et jusqu’à nos jours. Chaque fois, où le capitalisme fut secoué par un crash boursier, une dérégulation de l’offre et de la demande, une injonction du FMI ou de la Banque Mondiale, une faillite du marché de l’immobilier (2008) en Amérique ou en Europe, une vague d’attentats ou insurrections populaires et par la propagation de pandémie majeures, le covid 19 en l’espèce les adeptes du capitalisme carnivore y trouvent prétexte pour injecter des milliers de milliards de dollars pour sauver les banques, ces mêmes banques qui sont souvent à l’origine desdites crises majeures. Des milliers de milliards de dollars qui se transforment en dettes publiques, en déficits budgétaires abyssaux des Etats, en politiques d’austérité , mettant des centaines de millions d’habitants sous tensions et remettant en cause des programmes gouvernementaux en matière de développement.  Le covid 19 tombe comme une providence pour aliéner les peuples et détourner leur regard, car il est plus facile de transformer une crise économique en une crise sanitaire et de dire «  à cause du covid, les caisses seront vide ». Comme ce fut le cas en 2009 où les banques centrales ont injectée 4000 milliards de dollars pour renoncer l’économie, les mêmes banques s’apprêtent , en 2020, à injecter la même somme, dont 1000 milliards de dollars sous forme d’emprunts et 3000 milliards de dollars sous forme de prêts aux banques privées pour les inciter à solvabiliser les entreprises en grandes difficultés de trésorerie. Evidemment, par les temps qui cours, personnes ne s’apposera à de telles escroqueries, car le covid 19 est passé par là !

L’impuissance responsables de l’industrie pharmaceutique et de la recherche scientifique a procédé à une dichotonomie entre l’éthique, qu’impose la santé publique et les conflits d’intérêts. L’impact, sans précédant de la propagation de la pandémie du covid 19, a mis à nu cette collusion structurelle entre la recherche scientifique et l’industrie pharmaceutique. Deux imminents professeurs en virologie, le premier, Eric Raoult qui préconise la chloroquine, associé à d’autres médicaments et selon un protocole médical strict, comme solution efficace, déjà mise sur le marché et peu couteuse. Un scientifique qui attiré les foudres de ses confrères parisiens, membres du conseil scientifique qui encerclent le président Macron. Des éminents virologues que la presse a révélé leur collusion avec l’industrie pharmaceutique. Le deuxième imminent spécialiste en virologie, prix Nobel de médecine et à l’origine du décryptage du virus du SIDA, Luc Montagnier, a évoqué, certes avec prudence, l’hypothèse d’une manipulation, in vitro, de la souche virale du covid 19 à Wuhan en Chine, qui a mal tourné. En dehors d’une apparition médiatique éphémère, il est réduit au silence et bien entendu devenu persona non grata dans le fameux conseil scientifique. La voracité de la pharmacopée mobilise des chercheurs inféodés à leurs stratégies pour décrédibiliser les deux professeurs qui font valoir l’éthique sur le « fric ». Le covid 19 est passé par là pour faire tomber les masques et accréditer l’hypothèse de collusions et de conflits d’intérêts entre le monde de la recherche et celui de l’industrie pharmaceutique.

La méfiance vis-à-vis des médias manipulateurs et de la boulimie pour les Fack news : si dans les grandes démocraties, les médias sont considérés comme le quatrième pouvoir, notamment, ceux spécialisés dans les investigations sur ce qui peut s’avérer comme des scandales d’Etats, les médias de masse occidentaux sont aujourd’hui plus qu’avant dans le viseur de l’opinion publique et pour cause. Depuis la propagation du covid 19 en Europe et aux USA, la stratégie des grands médias s’est résumée, dans un premier temps, à endosser la responsabilité du covid 19 et des mensonges de la Chine sur le nombre réel des victimes de la pandémie et, par la suite, à fanfaronner sur la performance des infrastructures sanitaires de leurs pays qui sont et seront à la hauteur du risque sanitaire. Cependant, au fur et à mesure de la propagation du covid 19, de la saturation des hôpitaux et de la progression exponentielle des personnes contaminées ou décidées, les médias de masse ont déployé leurs techniques habituelles en focalisant, en boucles, sur l’annulation d’événements futiles, loin sans polémiques , tels les théâtres, les concerts, avec un focus sur Paris. La Province est reléguée au second plan au même titre que les banlieues. Ils se sont contentés également de faire le service après vente de la communication officielle pour ce qui est du silence et le non comptage des personnes âgées décédées dans les maisons de retraite, en l’espèce les EHPAD en France dans l’attente du feu vert du gouvernement. Aucun média de masse, ni les journaux télévisés de 20 heures n’ont pris l’initiative d’inviter le professeur E. Raoult pour expliquer la pertinence de la chloroquine. Aucun reportage sur le covid 19 en Afrique et sur une aide éventuelle aux pays les plus démunis, notamment en Afrique. On ne parlait que de la Chine, des USA, de l’Italie et de l’Espagne. Toute la stratégie médiatique est focalisée sur la communication officielle et des commentaires sur les commentaires de tels ou tels responsables politiques ou médicaux. Aucune enquête journalistique sur les effets socio-psychologiques du confinement n’a été diligentée. Les journalistes, toujours les mêmes ou dans des entre sois ritualisés, ont démontré leur déficit en connaissances médicales ou scientifiques. Certains en France, ironisent sur la capacité du Maroc à s’auto-satisfaire en masques fabriqués localement. D’autres ironisent sur la décision du Maroc qui a réquisitionné tous les stocks de la Chloroquine, préconisée par l’encombrant professeur infectiologue E. Raoult. D’autres, proposent cyniquement l’Afrique comme le continent-cobaye pour les testes des futurs vaccins contre la pandémie du covid 19.

Face à cette désinformation ou infantilisation des peuples par les médias qui distillent habilement une ligne éditoriale alignée sur la communication des gouvernements, les réseaux sociaux foisonnent en Fake news, en théories de complots, en scandales d’Etats et en divers scénarii apocalyptiques déclenchés par la propagation du covid 19. Egalement, les masques sont tombés et ont démonté les manipulations, le manque d’éthique et l’autocensure dont sont capables certains médias de masse qui prétendaient pourtant être indépendants et miroirs de la démocratie.

En réalité, et à travers la mise en perspective des cinq éléments de la grille de lecture d’analyse précités (Résilience- défiance- de croissance- impuissance-méfiance), le covid 19 a mis les grands Etats à rude épreuve. Un virus microscopique a provoqué un taux de letabilité, en peu de temps, supérieur à toutes les pandémies connues à nos jours. Le covid 19 dit haut et fort aux peuples « les masques sont tombés ». Il dit également aux Etats  « après moi, le covid, vos caisses seront vides » .Il a conseillé enfin aux intellectuels, « Certes, restez confiner chez vous, mais ne confinez pas, après la pandémie, le devoir de vérité que vous doivent les gouvernements ainsi qu’à leurs peuples ».

*Dr Youssef Chiheb, Professeur à l’Université de  Paris Sorbonne en Géostratégie et Développement International; Directeur de Recherche au CF2R, Analyste politique à France24

 

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