Affaire DSK: Volte-face de la presse

L’actualité des médias dominée cette semaine par le rebondissement de l’affaire DSK. Nouveau pic médiatique, volte-face de la presse américaine, ultra-médiatisation de la bataille judiciaire : on en parle avec le sociologue des médias Jean-Marie Charon.

Affaire DSK: Volte-face de la presse
Il aura suffi d’un seul article, l’article du New York Times, pour provoquer un nouvel emballement médiatique très fort. Avant même les nouvelles révélations, avant même la libération de DSK, ce premier article à mettre en cause de manière sérieuse la crédibilité de l’accusatrice a créé un nouveau pic médiatique. DSK a fait la Une de tous les sites d’actualité français mais aussi américains hier, et Strauss-Kahn était hier le sujet le plus commenté sur les réseaux sociaux : 42 messages par minute autour de l’affaire sur le Twitter francophone, selon c’est le chiffre donné par l’institut Netscope dans une étude publiée sur lexpress.fr. C’est un chiffre énorme, c’est plus même que lors du déclenchement de l’affaire en mai dernier.

Mais en revanche, le ton n’est pas du tout le même. Toujours selon cette étude, sur Twitter, trois messages sur quatre avaient hier une tonalité positive à l’égard de DSK. Et c’est la même tendance dans la presse, et notamment de la presse américaine, qui pourtant on s’en souvient avait été très dure, très virulente sur Strauss-Kahn et plus généralement sur le machisme des politiques français, sur la complaisance des autorités françaises vis-à-vis des affaires de moeurs. L’exemple le plus extrême est certainement celui du New York Post. Depuis six semaines, le tabloid américain parlait de DSK comme d’un pervers – "le perv". Non seulement, il a abandonné ce surnom mais le New York Post tire désormais à boulets rouges sur la plaignante : ce matin, le titre du journal, c’est "la femme de chambre était ’une prostituée’". On est passé d’un extrême à l’autre en quelques heures.

"On aurait pu imaginer que cette fois-ci, les médias restent prudents" réagit Jean-Marie Charon, sociologue des médias. "Or, on a vu que dès les premières heures, tout le monde est reparti dans l’autre sens. Je trouve que c’est extrêmement troublant."

"C’est le commentaire qui l’emporte"

Certains médias n’hésitent pas d’ailleurs à voir DSK comme tiré d’affaire. Un exemple, parmi beaucoup d’autres, c’était hier après-midi sur la chaîne MSNBC. Avant même l’audience de DSK, les journalistes américains discutaient de la manière dont DSK pourrait se laver de cet affront : "Il pourrait porter plainte pour poursuites abusives et parler des énormes conséquences pour lui d’avoir été mis en cause. Et s’il portait plainte, ce serait contre la ville, car le procureur dépend de la ville" pouvait-on entendre sur la chaîne américaine. Alors qu’à ce moment-là, DSK n’était pas libéré et les charges contre lui n’était pas abandonnées – elles ne le sont toujours pas d’ailleurs. Il y a quelques semaines, on voyait DSK en prison. Aujourd’hui, c’est déjà un homme qui pourrait revenir dans la politique, un homme qui pourrait se venger d’avoir beaucoup perdu.

"Cela révèle la fragilité du travail médiatique, même lorsqu’on parle d’enquête" estime Jean-Marie Charon. "Il y a quelques semaines, le New York Times avait tenté d’enquêter sur la victime, et n’avait rien trouvé. Et cette affaire n’est pas dans le temps de l’enquête, tout est beaucoup trop rapide, et c’est le commentaire qui l’emporte."

Plaidoirie devant les caméras

On peut aussi noter l’ultra-médiatisation de la bataille judiciaire entre les deux camps. C’était notamment très frappant hier au moment de l’audience : le fond de l’affaire n’a pratiquement pas été évoqué à l’intérieur du tribunal, mais à peine les avocats sortis de la salle, on a eu l’impression que l’audience, la vraie, s’est tenue devant les caméras. Les avocats de DSK puis ceux de la jeune femmes se sont exprimés longuement, chacun leur tour, devant une forêt de micros et de caméras. C’était très ritualisé, un peu comme si le public était le jury qu’il fallait convaincre.

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