Les Maghrébins victimes des discriminations à l’embauche
La discrimination à l’embauche liée à l’origine patronymique supposée existe toujours en France. Une campagne révèle que 30 % des 40 grandes entreprises testées présentent des risques élevés d’être hors la loi. Les discriminations à l’embauche, pourtant largement condamnées par la loi, gangrènent toujours le marché du travail français.
Face à cette réalité, Myriam El Khomri, la ministre du Travail, a lancé en avril dernier un nouveau plan pour tenter d’endiguer le phénomène. Au menu, une campagne de communication et une enquête de terrain auprès de 40 entreprises importantes afin de tester leurs pratiques.
Les résultats globaux de la campagne de « testing » anonyme que le ministère du Travail a dévoilés lundi en confirment l’ampleur. Menée auprès de 40 entreprises, la plupart de plus de 10.000 salariés, entre avril et juillet, il en ressort en cas de réponse positive aux CV envoyés un écart de 11 points en moyenne en défaveur d’un candidat maghrébin. Si l’égalité de traitement a été le plus souvent respectée, 12 des 40 entreprises présentent des écarts « statistiquement significatifs », qui vont de 15 à 35 points. Soit 30 % du panel.
Ampleur de l’écart
« Ce testing, d’une ampleur inédite dans notre pays, montre bien que l’inégalité de traitement à l’embauche est criante. Elle met à mal tout notre discours sur la promesse d’égalité républicaine », a fustigé la ministre du Travail Myriam El Khomri. « Nous avons été surpris par l’ampleur des pratiques de discrimination, tout comme les entreprises », abonde son ministère. « D’autant que parmi les sociétés mal classées, certaines avaient des programmes internes de promotion de la diversité. Ils sont tombés de leur chaise. »
Pour mener cette campagne, le cabinet spécialisé ISM Corum, assisté de la Direction statistique du ministère, a sélectionné une quarantaine d’entreprises sur la base d’un volume important d’offres d’emploi pour certains métiers. Pour chaque offre ont été envoyés deux CV équivalents en termes de compétences, âge, sexe, nationalité française ou résidence pour répondre à une même offre d’emploi.
L’une des candidatures portait un prénom et nom à consonance « hexagonale », l’autre maghrébine.
Résultat des courses : dans 71 % des cas, les deux candidatures ont connu le même sort – qu’il s’agisse d’un refus, d’une réponse positive ou d’absence de réponse. Mais dans le cas où l’entreprise ne retenait qu’un seul CV, la candidature hexagonale apparaît favorisée. Au final, elle a reçu 47 % de réponses favorables, contre 36 % pour celle supposée d’ascendance migratoire. Tous les postes et secteurs d’activité sont concernés.
Désigner les fautifs
Toutes les entreprises concernées ont été reçues par le cabinet de Myriam El Khomri. Bons comme mauvais élèves ont dû s’expliquer sur leurs pratiques. « Les bons résultats ne sont jamais le fruit du hasard », justifie l’entourage de la ministre. Ceux dont l’exercice a dévoilé la tendance à discriminer devront d’ici les prochaines semaines envoyer au ministère un plan d’action pour revoir leurs procédures d’embauche. Ils seront ensuite reçus fin janvier par le cabinet. Leur plan de mesures correctives sera étudié par un comité d’audit.
«Si ce ne sont que des mesures cosmétiques, je n’hésiterai pas à désigner publiquement » les entreprises en faute, a de nouveau menacé Myriam El Khomri. La ministre souhaite que cette enquête soit reconduite tous les ans. Et elle a signé lundi une convention de lutte contre les discriminations dans l’emploi avec Jacques Toubon, le Défenseur des droits. La collaboration portera notamment sur des mesures d’information envers les victimes de discrimination.
