Forum de Rabat: « Ai Movement » veut fédérer les acteurs africains autour d’une stratégie IA souveraine
En organisant le 1er Forum de haut niveau sur l’intelligence artificielle (IA), qui se tient depuis lundi à Rabat, le centre marocain d’IA affilié à l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), “Ai Movement”, ambitionne, en partenariat avec l’UNESCO, de fédérer les acteurs africains autour d’une stratégie IA, souveraine et adaptée aux défis du continent et de ses populations.
Devenue terrain de compétition et d’innovation, l’IA va bouleverser les rapports sociaux, économiques, politiques et écologiques, soulignent les organisateurs, dans communiqué, notant qu’au cœur de cette nouvelle ère techno-industrielle, l’Afrique compte sur l’émergence de ses champions continentaux pour profiter pleinement du progrès multi-domaine qu’offre notamment l’IA générative.
Lors de cette rencontre, placée sous le Haut patronage du Roi Mohammed VI, les conversations sont guidées par 5 objectifs, en l’occurrence faire l’état des lieux du développement de l’IA en Afrique ; penser la gouvernance de l’IA, selon les priorités africaines; soutenir la mise en place d’une stratégie commune pour l’IA en Afrique ; lancer des initiatives de renforcement des capacités pour le secteur public, le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif, la jeunesse et les femmes ; et encourager les collaborations entre les centres d’IA africains et mondiaux afin d’arrimer l’Afrique à la gouvernance mondiale sur l’IA.
“Le consensus africain” sur l’intelligence artificielle
Le Maroc est un État pionnier dans le domaine de l’éthique autour de l’IA en Afrique, notamment à travers l’application de la méthodologie d’évaluation de l’état de préparation de l’UNESCO. En décembre 2018, l’Université Mohammed VI Polytechnique a organisé conjointement avec l’UNESCO le premier Forum African sur l’IA, qui a donné lieu à la « Déclaration de Benguerir », laquelle a appelé à la nécessité de promouvoir l’IA comme levier de développement, centrée sur la dimension humaine, ancrée dans les principes éthiques universels, ainsi que dans les principes et normes relatifs aux droits humains.
Les organisateurs du forum entendent s’appuyer sur les travaux du forum pour inscrire l’intelligence artificielle africaine dans l’agenda international sur l’IA, souligne-t-on de même source.
En effet, l’intelligence artificielle pourrait générer 1.500 milliards de dollars à l’économie africaine d’ici à 2030, relèvent les organisateurs, notant que ses champs d’application ainsi que ses machines autonomes qui prennent en charge certaines activités humaines auront un impact profond sur la vie de plusieurs dizaines de millions d’africains, ainsi que sur les sociétés du monde entier.
Le consensus africain de Rabat vise à “concilier l’impératif d’appropriation des enjeux globaux de l’IA et de leurs opportunités, tout en prenant en compte les défis du continent en termes de développement économique et humain”, explique-t-on.
« On le sait, l’Afrique a de nombreux atouts, en commençant par sa démographie, pour exploiter le potentiel offert par les technologies émergentes, y compris l’IA, pour faire le saut de grenouille quantique et macro-économique tant attendu. Ce que nous appelons de nos vœux lors de ce forum, c’est d’explorer les moyens de développer l’intelligence artificielle en adoptant sans tarder une stratégie sectorielle, tout en mettant en place les garde-fous juridiques et réglementaires nécessaires pour protéger les utilisateurs et la société dans son ensemble. C’est l’essence du consensus africain discuté à Rabat”, précise le Prof. Amal EL Fallah Seghrouchni, Présidente Exécutive de Ai Movement–UM6P.
De son côté, Tawfik Jelassi, Sous-Directeur Général pour la Communication et l’Information de l’UNESCO souligne que ”l’UNESCO déploie tous les efforts possibles en tant qu’organisation multilatérale, avec une approche multipartite, pour aider les États africains à s’approprier les potentialités de l’IA tout en gérant efficacement les risques associés”.
Se déclinant sur 3 journées, le FHN sur l’intelligence artificielle de Rabat rassemble diplomates, politiques, experts, chercheurs et entrepreneurs, autour de plusieurs panels thématiques.
La journée conclusive du forum appelée “Moroccan Ai Innovation Day” mettra à l’honneur l’écosystème tech marocain qui appréhende l’IA dans des projets innovants. Plus de 100 startups marocaines sélectionnées en amont, présenteront des “use case” tout en échangeant avec leurs pairs pour faire du Maroc une terre de développement de l’IA en Afrique.
Le texte de la déclaration de Rabat : un appel à l’action
L’un des moments phare de ce forum sera l’adoption d’une déclaration commune au terme des travaux de ce conclave. Le projet de résolution dans ce sens est rédigé par AI Movement-UM6P et sera soumis à discussion avec les participants.
Il en ressort de ce projet, qui se veut un texte du consensus africain sur l’IA et un appel à l’action, que l’IA s’érige en accélérateur de transformations structurelles pour les pays du Sud.
En effet, l’IA va passer du statut d’innovation de pointe à celui de technologie de masse qui révolutionne tous les domaines dans lesquels elle intervient, notamment l’éducation, la médecine, l’agriculture, la transition écologique et les médias, entre autres.
À l’heure où les économies africaines attendent toujours leur bond en avant en matière de numérisation dans le but de s’arrimer au marché mondial et répondre aux exigences des grandes institutions financières, le besoin urgent en modernisation des systèmes éducatifs et sanitaires refait brutalement surface alors même que les capacités locales restent peu ou pas développées, relève le texte, notant qu’il s’agit ici d’un enjeu de souveraineté économique qui exige de regarder l’IA comme un accélérateur de transformations structurelles pour les pays du Sud.
« Après les sommets du G7, du G20, de Bletchley Park et de Séoul, l’ambition continentale du Forum de haut niveau de Rabat consiste à intégrer l’Afrique dans la conversation globale sur l’IA en rappelant qu’une voie africaine, qui ne soit pas détachée des autres grands acteurs internationaux et qui met l’accent sur la nécessité d’une IA africaine souveraine et adaptée aux défis du continent, est possible. Dès lors, un consensus devra être dégagé et traduit dans un appel à l’action », explique Ai Movement.
Pour la première fois, plus de 20 pays représentés par des délégations de haut niveau et d’experts, sont convenus à Rabat de la nécessité d’appréhender les enjeux globaux directement liés à l’intelligence artificielle, affirme-t-on.
Cette technologie en évolution rapide qui exploite l’intelligence des machines et des logiciels, transforme toutes les sphères sociales à l’échelle mondiale, indique le Centre, faisant savoir qu’elle a le potentiel de contribuer à une augmentation de 5 à 6 % du Produit intérieur brut du continent d’ici 2030.
Et d’ajouter que la communauté d’acteurs africains s’engage à Rabat autour d’un consensus et s’accorde sur trois principes fondateurs qui mobiliseront les institutions à travers le continent. Il s’agit de travailler à l’élaboration d’un cadre commun pour une gouvernance mondiale et inclusive de l’IA, exploiter l’IA dans le secteur public et au service du bien commun africain, ainsi que garantir le développement et l’utilisation éthique de l’IA et basé sur les droits humains au service de toutes et tous.