Un franco-marocain risque de perdre la nationalité française après une condamnation pour adultère au Maroc
Ce jeudi devant la chambre de la nationalité du tribunal judiciaire de Paris, un franco-marocain de 49 ans, natif de Marrakech, risque de perdre la nationalité française qu’il a obtenue au titre de son mariage avec une ressortissante française en 2008 après une condamnation à six mois de prison pour… adultère, prononcée au Maroc en août 2021 par le tribunal de première instance de Marrakech, une sanction confirmée en appel en octobre 2021.
Pour motiver sa demande introduite en mai 2022, rapporte jeudi le Parisien, le ministère public s’appuie notamment sur cette condamnation, indiquant que les avocats de Rahim (le prénom a été modifié) s’insurgent contre l’utilisation au soutien de cette démarche d’une infraction qui n’existe plus en France depuis 1975.
Cités par le journal, Mes Lola Dubois et Yassine Yakouti, les avocats de Rahim, contestent les fondements de cette demande sont inacceptables. « Une condamnation dans un pays étranger pour des faits qui ne sont pas pénalement répréhensibles en France ne saurait en aucun cas justifier une décision visant à annuler une déclaration relative à l’obtention de la nationalité française », écrivent-ils dans leurs conclusions remises au tribunal. « Si notre client ne conteste pas une relation intime extraconjugale, c’est incompréhensible de voir le parquet s’ériger en père la morale et justifier sa demande ainsi », confient les deux pénalistes.
Selon Le Parisien, Rahim et son épouse se marient en février 2008. Le couple donne naissance à deux enfants. Cet entrepreneur prospère attend plusieurs années pour solliciter le bénéfice de la nationalité française. Il souscrit sa demande devant le consulat de France à Marrakech le 17 décembre 2020, c’est-à-dire bien au-delà du délai de communauté de vie de quatre ans prévus par l’article 21-2 du Code civil.
« Une attestation de communauté de vie est ainsi dressée entre les deux époux le 17 février 2021. La déclaration d’obtention de la nationalité française de Rahim est enregistrée le 28 mai 2021 », précise Le Parisien.
Mais, poursuit le journal, le quadragénaire est désormais sous la menace d’une déchéance. L’article 26-4 du Code civil dispose que le ministère public a la possibilité de contester cet enregistrement de la nationalité « en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte ». « La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l’enregistrement de la déclaration (…) constitue une présomption de fraude », ajoute le texte.
« C’est sur ce point précis que reposent les griefs retenus à l’encontre de l’entrepreneur », souligne le journal.
Dans ses conclusions, le parquet de Paris invoque au premier chef sa condamnation à six mois de prison pour adultère prononcée en août 2021 par le tribunal de première instance de Marrakech, une sanction confirmée en appel en octobre 2021.
Le parquet relève que l’épouse de Rahim s’est constituée partie civile et que les amants, par ailleurs tous les deux condamnés, ont reconnu les faits. « L’existence d’une relation extraconjugale durable est incompatible avec l’existence d’une communauté de vie commune au sens de l’article 21-2 du Code civil (…). De plus, cette relation adultère met en évidence le non-respect du devoir de fidélité, prescrit par l’article 212 du Code civil », argumente l’accusation.
Le parquet de Paris produit également deux courriers adressés par l’épouse de Rahim au consulat de France, indique le journal, rapportant que l’épouse explique, dans une lettre datée du 20 janvier 2022, avoir porté plainte contre son mari après avoir été informée à l’été 2021 de son infidélité par sa maîtresse. À cette occasion, elle aurait appris que cette relation adultérine durait depuis cinq ans.
« Je vous décris tout cela pour vous expliquer où nous en sommes à présent mais aussi pour confirmer que je m’oppose à ce qu’il garde la nationalité française et obtienne un passeport français. Il ne mérite pas cet honneur d’être français car après tous ces faits je me rends compte que dès le départ notre mariage n’avait pour lui comme but et objectif que l’obtention de cette nationalité et d’un passeport français », assène-t-elle.
Dans un courrier manuscrit du 19 février 2022, elle ajoute que le couple faisait chambre à part depuis deux ans. Enfin, relève le parquet, lors d’un entretien avec un agent consulaire, cette femme assure qu’elle n’aurait pas signé l’attestation de communauté de vie du 17 février 2021 si elle avait eu connaissance de cette infidélité.
La défense de Rahim balaie les déclarations de son épouse en estimant ses allégations infondées et dépourvues de preuves, souligne Le Parisien.
« Le parquet essaie maladroitement de se reposer sur des propos qu’il ne peut pas démontrer pour soutenir qu’il n’y avait plus de communauté de vie entre les époux au moment de la souscription de nationalité » , déplorent auprès du journal Mes Dubois et Yakouti.
« Notre client, dont le mariage remonte à 2008, aurait pu effectuer cette demande depuis de nombreuses années, donc on ne peut absolument pas prétendre qu’il a fait un mariage blanc. Il n’a pas effectué sa demande pour des raisons économiques mais pour faciliter les liens avec ses enfants. Le déchoir de sa nationalité aurait des conséquences sur sa vie de famille. »