Tunisie, un pays dans l’expectative entre crise sanitaire et incertitudes économiques
Manifestement, la situation sanitaire préoccupante focalise l’attention devenant une source d’inquiétude générale et de malaise social notamment dans les régions considérées exclues du développement.
Incapables de contenir la pandémie qui continue à faire des ravages dans les régions de Kairouan (centre), Béja, Siliana et Zaghouan, les autorités ont été contraintes à décréter le confinement général.
Outre la défaillance du système de santé, c’est le cri d’alarme du corps médical et des citoyens, notamment à Kairouan où il y a eu explosion du nombre de cas, une multiplication alarmante du nombre de décès et des défaillances notoires à porter secours aux personnes atteintes qui ont été à l’origine d’un véritable électrochoc.
Cela est d’autant plus vrai qu’à Kairouan, le taux de positivité a atteint presque 50%, un seuil sans précédent. On recense en effet des patients de plus en plus jeunes et des hôpitaux débordés, des soignants à bout de souffle et une colère latente chez les habitants.
Face à une situation d’urgence, le gouvernement a pris de nouvelles mesures, dont notamment l’instauration du confinement général avec le bouclage de Kairouan et de tous les gouvernorats qui enregistrent plus de 400 nouvelles infections par 100 mille habitants.
Ces mesures, jugées « trop tardives, incomplètes et ne tenant pas compte de la gravité de la situation épidémiologique », n’ont pas calmé la colère des habitants ou la frustration du personnel soignant débordé et démuni.
Sur le plan national, faut-il noter, la pandémie a causé jusqu’au 20 juin le décès de 14.038 avec en sus un taux de positivité estimé à 29,40%.
Entre-temps la campagne de vaccination continue à battre de l’aile et les chiffres restent en-deçà des objectifs escomptés.
Au 20 juin, seulement 1.147.282 ont reçu la première dose de vaccins anti-Coronavirus, ceux qui ont reçu la deuxième dose reste faible, soit 404.567.
En même temps, rien ne va plus au niveau de la situation économique du pays qui ne finit pas de susciter interrogations et inquiétudes. A deux reprises Marouane Abassi, Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie n’a pas hésité à tirer, à l’enceinte même de l’Assemblée des Représentants du Peuple (parlement), la sonnette d’alarme. Ses mises en garde contre les divisions politiques, l’absence d’une vision claire, d’un consensus national sur les choix qui devraient être mis en œuvre dans l’immédiat et sur les réformes à entreprendre, n’ont pas produit l’effet escompté.
A deux reprises, sa voix est restée presque inaudible, les élus comme les acteurs politiques et sociaux n’ont pas saisi la gravité des défis qui se profilent et encore moins le choc que pourrait subir le pays par l’attentisme, l’inaction et la prédominance du discours populiste.
Le gouverneur de la Banque Centrale a fait un diagnostic sévère de la situation politique, économique, sanitaire et sociale. En témoignent des indicateurs dont la majorité ont viré au rouge. Cela se perçoit au plan de la croissance en berne, qui au premier trimestre de l’année en cours, a connu une baisse de l’ordre de 3% en glissement annuel comparativement au trimestre précédent, au niveau des moteurs de croissance en panne, (on importe du phosphate plutôt que de le produire) et des performances du secteur touristique, sinistré par le COVID-19.
En effet, depuis son indépendance, le pays n’avait jamais vu les taux d’investissement et d’épargne observer une telle dégringolade.
De 20% le taux d’épargne se situe à peine à 6% du PIB, le taux d’investissement a baissé presque de 50%, passant de 26% à presque 12%.
Avec des perspectives hésitantes pour 2021-2022, l’absence d’une vision, d’un environnement d’affaires attractif, de l’érosion de la confiance et d’une crise politique qui a tendance à s’éterniser, le pays continue à vivre sous perfusion et se trouve contraint à mobiliser au moins 16 milliards de dinars (environ 4,86 milliards d’euros) pour boucler le budget 2021.
Tout cela sans compter les vulnérabilités qu’il endure de la gestion calamiteuse de ses entreprises publiques, dont les fleurons se trouvent actuellement au bord du gouffre (Tunisair, Compagnie des phosphates de Gafsa) à cause de revendications sociales surréalistes.
La finalisation des discussions difficiles engagées avec le Fond Monétaire International, sur la base d’un programme de réformes, jugées douloureuses et coûteuses, ne semble pas encore recueillir l’unanimité ni de la classe politique ni des partenaires sociaux, reste entourée d’incertitudes.
Du coup, la mobilisation de ressources financières dont le pays a cruellement besoin se présente comme une équation à plusieurs variables et un processus semé d’embûches.