Tièman Coulibaly critique l’envoi de casques bleus au Mali

Tandis que François Hollande évoquait la situation au Mali lors d’un déjeuner avec le vice-président américain Joe Biden, Tièman Coulibaly, le ministre des Affaires Etrangères malien, tenait une conférence à Sciences Po Paris.

Tièman Coulibaly critique l’envoi de casques bleus au Mali
En écho aux scènes de liesse accueillant le président François Hollande samedi à Tombouctou, le ministre malien des Affaires étrangères, Tiéman Coulibaly, a salué l’intervention militaire française qui « a permis d’arrêter une avancée terroriste qui aurait détruit notre Etat » et qui l’aurait livré aux narcotrafiquants ». A plusieurs reprises, il a désigné l’action française de « guerre juste », car « ce qui se passe au Mali est une guerre de civilisation. C’est l’obscurantisme face à la liberté ». « Nous avons été attaqués parce que nous sommes une démocratie » a-t-il ajouté. Il a par ailleurs indiqué que « la France n’a pas vocation à rester au Mali. Les Maliens doivent mener la suite de cette guerre et prendre leur destin en main après avoir reçu l’aide des Français en termes logistiques ».

Critique de l’envoi de casques bleus

Le ministre Tièman Coulibaly est néanmoins en désaccord avec Paris concernant le déploiement d’une mission de la paix sous l’égide de l’ONU. « Que signifie cette mission de la paix ? La paix entre le Mali et qui ? Entre le Mali et Aqmi ? entre le Mali et le Mujao ou Ansar Dine » s’est-il interrogé. "De l’autre côté, il y a seulement des terroristes. La mission doit venir en appui à l’armée malienne pour stabiliser l’ensemble du territoire ». Lors d’une déclaration à l’Elysée aujourd’hui auprès de François Hollande, Joe Biden a apporté son soutien à l’envoi de casques bleus au Mali. C’est là une réponse à la lenteur de la mobilisation des forces africaines des pays de la CEDEAO censée prendre le relai des forces françaises. Le ministre malien a reconnu que ce retard « est la preuve de la nécessité d’une plus grande intégration ».
Il a également évoqué la situation à Kidal « comme un épisode important, un moment de vérité ». Kidal est actuellement sous le contrôle du MNLA et du Mouvement Islamique de l’Azawad, le MIA. Il a rappelé que si le MNLA accepte la présence de militaires français, il refuse celle des armées maliennes et africaines. Or « derrière ce MNLA, il y a les supplétifs d’Aqmi ».

"L’axe de vulnérabilité et de fragilité passe par l’Algérie".

Tièman Coulibaly est revenu sur la responsabilité du MNLA dans la double crise malienne, politique et sécuritaire :« Le 17 janvier 2012, Benaka, une ville du Nord-Est, a été attaquée par des forces que nous pensions indépendantistes. C’était en fait le MNLA et il a plongé le Mali dans une forte inquiétude ». Mais au-delà du MNLA et de l’indépendantisme, « cette guerre a été imposée par le cartel des terroristes transnationaux agissant avec les moyens obtenus par le trafic de drogue et les rançons obtenus par les otages ». Le ministre a fustigé ces « narco-djihadistes », menés par des chefs étrangers : « Qu’est-ce qu’AQMI ? C’est le GSPC, c’est le GIA ». Il a rappelé que tous les émirs importants d’AQMI – Mokhtar ben Belmokhtar, Abu Zeid, Yahya Abou El-Hammam, Abdelmalek Droukdel – sont Algériens. Le leader du MUJAO, Abu Qumqum, est lui mauritanien. Le seul malien à la tête d’un de ces groupes islamistes armés est le chef d’Ansar Dine, Iyad ag Agrali. Composés de 5500 à 7000 hommes, ces groupes ont recruté « des jeunes sans perspective, y compris des jeunes sahraouies des camps de Tindouf" , a-t-il souligné.
Tièman Coulibaly a d’ailleurs rappelé les conséquences de la crise sur son voisin algérien : « L’Algérie est intéressée par ce qui se passe au Mali, sur sa frontière sud. Elle surveille ses frontières mais il n’y a pas d’échange de troupes. Les Algériens l’ont dit d’autant que l’armée algérienne a mieux à faire que de venir chez nous. Mais la coopération entre nos deux pays est appelée à évoluer, la lutte anti-terroriste est un processus long. L’axe de vulnérabilité et de fragilité passe par l’Algérie ».

Le ministre a également reconnu les erreurs commises par les autorités maliennes à l’égard des djihadistes : « Nous sommes allés loin dans les concessions. Le président Amadou Toumani Touré pensait qu’on pouvait récupérer ces gens ». Il a également évoqué la corruption, l’affaiblissement de l’armée ainsi que celle de l’Etat : « Le Président Amadou Toumani Touré avait une vision par le consensus, mais cela a entraîné un affaiblissement progressif du pouvoir politique. Le président s’est bien occupé du pays mais le concept même de nation s’est érodé ».

Quelles perspectives de résolution politique ?

Pour les trois mois à venir, Tièman Coulibaly voit deux scénarios, l’un positif, l’autre « détestable ». « Le scénario souhaitable, c’est que la confrontation militaire dure le moins longtemps possible » a-t-il déclaré. La tenue des élections avant le 31 juillet serait « une victoire ». Il a également appelé à « une discussion inclusive dans toutes les contrées du Nord, sans marginaliser les Touaregs. Tout écartement signifiera stigmatisation. Et les Touaregs ne sont pas tous représentés par le MNLA », qu’il accuse de complicité avec le terrorisme international. Le ministre a asséné qu’il « n’y aura pas de marchandage sur la Nation ».
Il a souligné l’importance de la justice et de lutter contre toute impunité concernant les exactions, qu’elles aient été commises par des militaires maliens, des civils ou des groupes armés. « La justice est le prix de la réconciliation » a-t-il indiqué. « Nous avons déjà saisi la Cour pénale internationale, qui pourra être de nouveau saisie ». Il a également déclaré que son pays était ouvert à l’arrivée d’observateurs internationaux pour enquêter sur ces exactions, mais « ils doivent rester à leur place et travailler avec l’Etat. Certaines ONG se prennent parfois pour des gouvernements bis ».

Le pire des scénarios serait le refus des groupes combattants de se désarmer. Or, au-delà des enjeux sécuritaires et d’intégrité territoriale, le ministre Coulibaly a rappelé l’importance des enjeux économiques et du développement des régions déshéritées du nord : « Il est impossible de construire une économie prospère et de compter sur des investissements dans une zone instable. « L’argent n’aime pas le bruit » ».

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