Des décennies de corruption, de népotisme et de clientélisme ont donc eu raison de la crédibilité de la classe politique traditionnelle. Des partis sclérosés qui n‘ont pas su saisir la perche tendue par la réforme constitutionnelle initiée par le roi Mohammed VI.
Les images télévisées des visages victorieux des cadres du PJD ont fait le tour du monde. Et posent cette question: quel avenir pour un Maroc gouverné par les islamistes ? Benkirane, s’exprimant dans son français rocailleux, se veut rassurant: "Le religieux est du ressort du roi (..) Si je viens au gouvernement ce ne sera pas pour décider du nombre de centimètres des jupes des demoiselles". Le chef du PJD ne jure que par la réforme de deux notions: "la démocratie et la gouvernance".
Depuis des années déjà, le PJD a multiplié les gages d’allégeance au roi, qui reste l’arbitre suprême de l’exécutif et qui est constitutionnellement « Commandeur des croyants ». C’est le roi Mohammed VI qui, selon la nouvelle Constitution, devra choisir le Premier ministre dans les rangs du PJD.
L’autre limite aux velléités réformatrice du PJD est la nécessité de composer un gouvernement de coalition. Avec des partenaires comme les nationalistes de l’Istiqlal ou même les socialistes de l’USFP, le PJD devra s’accommoder des exigences de ces poids lourds historiques rompus aux manœuvres de l’exercice gouvernemental. Mais, n’en doutons pas, cet islamisme « soft » promis par le PJD va marquer un tournant de la vie politique du royaume.
Le PJD, dans la "bonne gouvernance" qu’il promet, devra enfin composer avec les abstentionnistes. Et, en cas de difficultés économiques et sociales majeures, le PJD, comme tout parti gouvernemental, paiera directement le prix de son échec. Au delà de l’enceinte feutrée du Parlement, l’opposition sera aussi incarnée par le Mouvement du 20 février qui, de l’extrême gauche à l’islamisme radical d‘Al Adl Wal Ihsane, agglomère les mécontentements, voire l’exaspération, d’une frange de la population lassée de promesses non tenues. Sous l’oeil vigilant du Palais royal et de la rue, le PJD s’engage donc sur un périlleux baptême du pouvoir.