Obama fragilise la posture de Hollande sur la Syrie.
Ironie en l’histoire , c’est la France de Jacques Chirac et son ministre des affaires étrangères Dominique De Villepin qui s’opposèrent avec une grande violence symbolique à la guerre américaine conte l’Irak. Et c’est La France de François Hollande qui donne un précieux soutien international à la volonté américaine de punir Bachar al Assad pour avoir utilisé l’arme chimique contre sa propre population.
La crise syrienne allait donc offrir l’occasion d’une parfaite harmonie entre militaires français et américains d’autant plus que le traditionnel, le précieux, l’incontournable allié européen des États Unis , la Grande Bretagne, a déclaré forfait dans cette aventure militaire par le biais d’un spectaculaire refus du parlement britannique.
Tout allait donc pour le mieux dans cette belle relation franco-américaine revigorée par ce consensus politique et militaire sur la Syrie, si Barak Obama n’est pas venu compliquer ce bel édifice et fragiliser cet assemblage. Son idée de soumettre le principe de ces attaques militaires contre la Syrie au feu vert du congrès américain, même si rien ne l’y oblige, est le petit grain de sable qui peut dérailler la machine française et compliquer la marge de manœuvre de François Hollande.
Le président français a été , avec le britannique David Cameron, l’un des rares chefs d’Etat européen à s’être enthousiasmé à une intervention militaire punitive contre la Syrie de Bachar al Assad. Les Anglais ont paralysé leur premier ministre par le vote de leur parlement. Ce tournant politique a déjà eu pour conséquence d’amplifier les oppositions anti intervention militaire en France, rendant encore plus difficile les capacités de persuasion de François Hollande.
Mais le coup de grâce est venu de la Maison Blanche. En voulant se protéger par un vote du congrès américain, Barak Obama met involontairement son nouvel allié européen, François Hollande, dans l’embarras. Il l’oblige à une gymnastique politique dont les résultats ne sont pas garantis et transforme par la même occasion une expédition punitive internationale en un enjeu de politique intérieur français d’une brûlante actualité.
Dés que Barak Obama a fait savoir sa nouvelle stratégie de solliciter la bénédiction du Congrès. De nombreuses voix françaises, et non des moindres, se sont élevées pour exiger que François Hollande, par respect pour la représentation nationale, suive la même voie. Le centriste François Bayrou est sans doute celui qui a le mieux résumé la situation:" Comme le président des Etats-Unis, qui a décidé de consulter le Congrès américain au titre des principes démocratiques, le président français doit faire de même et organiser après le débat, un vote formel au Parlement".
François Hollande se trouve donc devant une séquence politique assez compliqué à gérer. Il est vrai qu’il avait décidé de convoquer le parlement français ce 4 septembre, mais le but était d’avoir un instant de solennité et d’information avant l’engagement de l’armée française dans des opérations militaires. Le but était aussi de souder l’opinion publique, la classe politique et de tracer les contours d’une union sacrée des français autour de leur armée.
Mais avec le recul britannique et le recours américain au Congrès, François Hollande se trouve devant deux choix aux conséquences politiques imprévisibles. Ou il se limite à informer le parlement et cette décision qui risque d’embraser d’avantage les opposants français à cette guerre et de lui ôter l’indispensable légitimité interne dont elle a besoin pour se déployer dans le temps et gagner en efficacité. Ou il décide d’imiter Barack Obama et soumettre cette grande décision militaire à un vote, et là le risque de déconvenue et de refus à la Britannique n’est pas exclu.
La décision de François Hollande d’intervenir militairement contre la Syrie a de grandes chances de se transformer en enjeux politiques internes. Déjà au sein de la droite toujours à la recherche d’un leadership pour remplacer Nicolas Sarkozy, les deux prétendants à la succession, Jean-François Copé et François Fillon, se livrent à une surenchère politique. Les deux hommes cherchent la posture la plus originale et donc du meilleur opposant à François Hollande.
Au sein de la gauche, même si par solidarité gouvernementale, les socialistes veulent donner l’impression de parler comme un seul homme, il n’est pas acquis qu’en cas de vote à bulletin secret, ils puissent être aussi consensuel comme leur parole publique. Les deux extrêmes ( Front National de Marine Le Pen et Front de gauche de Jean Luc Mélenchon) se sont déjà faits leur religion sur cette guerre si limitée soit-elle. Opposants farouches à cette intervention, ils labourent l’opinion surfant sur les craintes et les frustrations.
Devant de telles complications politiques, François Hollande se trouve dans l’obligation de changer de fusil d’épaule au risque de provoquer une incompréhension, voire un divorce avec l’opinion publique. Il n’est pas dit qu’il abandonnerait le principe d’une frappe punitive contre Bachar al Assad, lui qui depuis le début a porté à bout des bras la coalition de l’opposition syrienne, mais il lui faut changer la manière de la vendre à son opinion publique. Et c’est là le grand défi politique du moment pour le chef de guerre qu’il est devenu.