Mohammed VI réforme son royaume

Mohammed VI réforme son royaume
Le roi du Maroc a annoncé vendredi soir le renforcement des pouvoirs d’un premier ministre issu de la majorité parlementaire.

Le Maroc entre dans une nouvelle ère avec l’annonce, par Mohammed VI, de la réforme de la Constitution. Le roi s’est adressé vendredi soir à son peuple à l’occasion d’un discours qui change la donne politique dans le royaume, en ouvrant la voie à une forme de monarchie parlementaire. Mohammed VI a, ni plus ni moins, renoncé de sa propre initiative à une partie de ses prérogatives.

Mises au point par une commission d’experts, les réformes portent notamment sur les nouveaux pouvoirs attribués au premier ministre. Le chef du gouvernement est jusqu’à présent nommé par le souverain. Placé sous tutelle, il exerce ses fonctions avec une marge de manœuvre limitée tandis que des proches du roi exercent dans l’ombre le pouvoir réel.

Désormais, le premier ministre sera toujours nommé par le roi, mais issu du parti vainqueur des élections législatives. Le chef du gouvernement sera responsable des nominations administratives les plus importantes. Il pourra aussi dissoudre le Parlement et tenir son Conseil des ministres sans la présence du roi. Le monarque demeure «l’arbitre suprême» et reste maître des nominations aux postes militaires.

Dans son allocution, Mohammed VI a souligné le principe de séparation et d’équilibre des pouvoirs afin d’assurer un fonctionnement démocratique des institutions. Soucieux de ne pas perdre du temps, il va soumettre la nouvelle Constitution à un référendum prévu le 1er juillet, avant le début du ramadan, qui tombe cette année en août. Des élections législatives anticipées seront ensuite organisées à l’automne pour tenter de redynamiser l’Assemblée nationale.

Commission de sages
Inédite dans le monde musulman, l’initiative de Mohammed VI vise à anticiper des évolutions qui lui paraissent inéluctables avec l’avènement du «printemps arabe». Le 20 février, au lendemain des révolutions tunisienne et égyptienne, des dizaines de milliers de jeunes étaient descendus dans les rues des principales villes du Maroc pour réclamer dans le calme plus de liberté et de démocratie sans pour autant mettre en cause la personne du roi. Après un moment d’hésitation, Mohammed VI a répondu, trois semaines plus tard, par un discours de rupture en promettant le changement.

Une commission de sages présidée par le juriste Mohammed Moatassim a entendu les responsables des partis politiques et de la société civile pour rédiger son projet. Pendant ce temps, les jeunes ont continué à manifester tout en refusant de participer au chantier des réformes. Méfiants, ils ont craint un retour en arrière lorsque des défilés ont été réprimés par les forces de police en mai. De leur côté, les islamistes modérés du Parti justice et développement (PJD) ont fait savoir qu’ils n’accepteraient pas une Constitution d’essence libérale prévoyant la liberté de croyance, une notion, selon eux, préjudiciable à l’«identité islamique du pays». Mohammed VI a donné vendredi soir sa réponse aux uns et aux autres.

Plus de libertés
Outre son volet politique, la nouvelle Constitution a pour ambition d’élargir le champ des libertés individuelles et collectives. Elle consacre l’égalité entre hommes et femmes. Elle prévoit de confirmer l’islam en tant que religion d’État, mais elle entend aussi garantir la liberté de culte. Elle supprime la disposition qui évoque le caractère «sacré» de la personne du roi qui est remplacé dans l’article 46 du nouveau projet par l’expression : «l’intégrité de la personne du roi ne peut être violée». La nouvelle loi fondamentale va aussi désigner le berbère comme langue officielle à côté de l’arabe. L’immunité parlementaire sera restreinte et la lutte contre la corruption renforcée. Quant à la justice, elle sera clairement séparée des autres pouvoirs, pour assurer son indépendance.

Mohammed VI se devait de tenir ses promesses. Attendue avec impatience, son intervention donne un nouveau souffle à un règne engagé voici douze ans, à la mort de Hassan II.

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