Plusieurs facteurs rendent cette expérience très attractive au point de constituer un vrai laboratoire démocratique. Un des premiers éléments est de prouver par une participation substantielle le désir des millions de marocains que la voie des urnes est la seule susceptible d’organiser les transitions pacifiques et le passage à témoins démocratique. Là où, sous d’autres cieux, le tank militaire a configuré le champ politique et démocratique, au Maroc seules les urnes pacifiquement et correctement fréquentées pourront incarner cette volonté populaire tant auréolée par le printemps arabe.
Pour se donner toutes les chances de gagner ce pari, les Marocains n’ont pas lésiné sur le moyens. Le champs politique, traditionnellement morcelé entre des petites factions, facilement manipulable par des gourous, est en train de se configurer en grand groupes politiques à l’influence grandissante et à la culture du gouvernement incontestable. Le pari étant de renouveler la classe politique marocaine. Deux indications principales trahissent la ferme volonté d’enterrer une époque et d’en inaugurer une nouvelle. La première est que, au delà de la couleur politique des candidats la députation, une minutieux travail de filtre a été opéré pour empêcher que ne se renouvellent les pratiques qui ont obéré les précédents scrutins, à savoir la puissance de l’argent qui corrompt et achète les voix et les consciences. Le second indicateur viendrait du personnel politique qui se lance dans cette bataille du 25 novembre. Le chiffre lancé par les connaisseurs des arcanes de la politique marocaine claque comme un grand cri de nouveauté : neuf personnes sur dix qui aspirent à la députation ne se sont jamais frottées au mandat parlementaire. Ce qui en dit long l’inévitable renouvellement de la classe politique qu’un tel scrutin va fatalement engendrer.
L’autre interrogation qui monopolise l’analyse politique de ce scrutin tourne autour du résultat probable de la mouvance islamiste modérée. Il est vrai que le raz de marée du parti de Ghanouchi en Tunisie, la certitude conquérante affichée par les islamistes du CNT libyen, le probable coup de fièvre des frères musulmans en Égypte et l’influence grandissantes des islamistes au sein de l’opposition syrienne laissent cette vague impression que seule la mouvance islamiste s’impose comme la véritable bénéficiaire du printemps arabe. Le légitime désir démocratique ne peut il se traduire dans les pays arabes que par une crispation islamiste ? Telle est l’interrogation principale que moulinent à l’envie la plupart des commentateurs qui suivent de très près les expériences démocratiques dans le monde arabe.
Là aussi le Maroc n’est pas forcément inscrit dans cette ligne d’automaticité. L’issue tunisienne et la craintes égyptiennes ne sont pas forcément applicables à la trajectoire marocaine et ce pour plusieurs raisons. La première est que la société marocaine, et donc son champ politique, n’est pas clivée de manière aiguë et tranché entre laïcs fanatiques, à l’allergie religieuse épidermique et islamistes obscurantistes, un couteau sanglant entre les dents. Les passerelles politiques et idéologiques existent entre les différentes familles politiques. Les extrêmes des deux côtés occupent jusqu’à présent une fonction de protestations bruyante mais demeurent, malgré un retentissement médiatique trompeur, anonymes et marginalisés, sans prises réelles au sein du corps social.