Très entreprenant sur la politique internationale, son domaine réservé, Emmanuel Macron est en train de vivre une séquence assez pénible pour son image et sa gouvernance. En cause, ses perceptions de la crise au Proche Orient, ce sentiment de volte-faces irréfléchies, de retournements de positions qui installe une forme d’incohérence dans sa manière d’appréhender cette terrible guerre entre Israël et le Hamas.
Emmanuel Macron est aujourd’hui l’objet de sourdes critiques pour avoir entretenu une certaine ambiguïté sur cette crise. Démarche inédite, plusieurs ambassadeurs français accrédités dans des pays arabes ont rédigé une missive à destination de leurs hiérarchies, le Quai D’Orsay et l’Elysée, dans laquelle ils font part de leurs critiques sur le positionnement ouvertement très pro-israélien des choix du président Macron. Ces choix constituent une rupture avec le traditionnel héritage de la politique française, faite de distance par rapport aux protagonistes de ce conflit. Ces ambassadeurs rappellent les conséquences néfastes de la position présidentielle sur l’influence et la crédibilité de la France dans le monde arabe.
Sans aller jusqu’à constituer un mouvement de rébellion au sein du ministère des Affaires étrangères, cette démarche est inédite et reflète un profond malaise de ces ambassadeurs obligés de subir les conséquences politiques des choix pro israéliens d’Emmanuel Macron. Et c’est sans doute dans le sillage de ces critiques que le président français avait accordé une interview remarquée à la chaîne de télévision BBC. Dans cette interview, Emmanuel Macron avait utilisé un autre langage pour critiquer la stratégie militaire israélienne à Gaza qui viole spectaculairement le droit humanitaire international. La guerre contre le terrorisme ne justifie aucunement de s’en prendre aux enfants, aux femmes aux personnes âgées et aux hôpitaux.
Dans cette même interview, Emmanuel Macron évoque pour la première fois la nécessité d’aboutir à un cessez-le-feu. C’est la première fois aussi qu’un chef d’Etat occidental évoque publiquement cette nécessité dans ce contexte de guerre aussi violente qu’aveugle. L’Amérique et l’Allemagne par exemple refusent de le faire, le considérant sans doute comme une défaillance de soutien à Israël. Il n’en fallait pas plus pour que les autorités israéliennes critiquent vertement Emmanuel Macron. La presse israélienne pro-Netanyahou avait vivement ciblé le président français au point de considérer que ses récentes prise de position frisent l’antisémitisme.
Dans la réalité, Emmanuel Macron avait fait le grand écart autour de cette question. Lors de sa visite en Israël au lendemain d’une attaque inédite du Hamas, il avait étonné son monde en proposant de constituer une alliance internationale de lutte contre le Hamas sur le modèle de celle contre Daech. Au passage, cette démarche avait surpris jusqu’au ministère des affaires étrangères français qui ne semblait, selon des fuites, ne pas être au courant de cette initiative. Aujourd’hui il est le premier responsable occidental à souligner avec une certaine emphase l’urgent et indispensable cessez-le-feu dans la bande de Gaza, qui ouvrirait fatalement une nouvelle séquence diplomatique dans laquelle la communauté internationale doit s’impliquer avec force.
Emmanuel Macron est aussi sous pression pour avoir refusé de participer à la Marche pour la république et contre l’antisémitisme, initiée par les présidents des deux chambres du Parlement français, Yaël Braun-Pivet pour l’Assemblée nationale et Gérard Larcher pour le Sénat. L’opposition, de gauche comme de droite, s’était emparée de cette polémique pour crucifier Emmanuel Macron et lui reprocher d’avoir raté une occasion historique de participer à cette marche nationale contre l’antisémitisme. Emmanuel Macron avait tenté de justifier son absence en disant qu’il n’a jamais participé à une manifestation. Les archives lui ont rappelé que ses prédécesseurs, François Mitterrand et François Hollande ont battu le pavé pour participer à cette dénonciation populaire de la montée de l’antisémitisme en France.
Pour de nombreux observateurs, cette difficulté incarne l’échec de son axiome politique qui lui a si bien réussi en politique intérieure, le « En même temps » et qui s’est avéré inapplicable dans le domaine de la politique étrangère. Emmanuel Macron l’avait testé sur la guerre entre l’Ukraine et la Russie avec les échecs qu’on connaît lorsque qu’il avait voulu en même tempe défendre la guerre et entretenir de relations privilégiées avec Vladimir Poutine. Au Proche-Orient, le « En même temps » a aussi montré ses limites et ses contradictions.