Après le communiqué de la présidence algérienne dans lequel l’Algérie exprime son rejet « catégorique de l’ingérence inadmissible dans ses affaires intérieures » à la suite de quelques vérités assénées par le président Emmanuel Macron sur le régime politico-militaire d’Alger, c’est au tour de la presse algérienne de surenchérir.
« L’inacceptable », titre le journal L’expression, proche de la Mouradia, ‘Inadmissible ingérence », écrit El Moujahid. Pour El Watan, « la crise entre l’Algérie et la France a visiblement atteint le point de non-retour » après « le dérapage d’Emmanuel Macron ». Quant à Liberté, le quotidien souligne qu’entre la France et l’Algérie, « la crise est ouverte ! », alors que Le Soir accuse Macron d’attiser les tensions et El Bilad de profaner l’histoire.
Qu’a été le crime de Macron ? Dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas du régime politico-militaire d’Alger !
S’exprimant le 30 septembre devant une assistance composée de jeunes petits-enfants de Guerre d’Algérie, harkis, pieds-noirs, juifs et binationaux, en présence d’un journaliste du quotidien Le Monde qui a publié samedi 2 octobre un article détaillé sur cette rencontre, Emmanuel Macron a qualifié le régime algérien de “système politique fatigué” qui “est fragilisé par le Hirak”, affirmant que “le système politico-militaire algérien s’est construit sur la rente mémorielle”.
En réponse à une jeune algérienne qui estimait que la société algérienne n’a pas de haine envers la France, Emmanuel Macron a alors précisé qu’il désignait le système politique algérien qu’il distingue du reste de la société algérienne. “Je ne parle pas de la société algérienne dans ses profondeurs, mais du système politico-militaire qui s’est construit sur (…) (la) rente mémorielle. On voit que le système algérien est fatigué, le Hirak l’a fragilisé”, a-t-il dit.
Dans la foulée de ses propos sur le système politique algérien, Emmanuel Macron assure qu’à travers les restrictions sur les attributions de visas, ce sont les “dirigeants” qui sont ciblés. “On va s’attacher à ce que les étudiants et le monde économique puissent le garder. On va plutôt ennuyer les gens qui sont dans le milieu dirigeant, qui avaient l’habitude de demander des visas facilement”, a-t-il lâché. Un moyen de pression pour dire à ces “dirigeants” que “si vous ne coopérez pas pour éloigner des gens qui sont en situation irrégulière et dangereux, on ne va pas vous faciliter la vie”, a-t-il poursuivi.
Sur les questions mémorielles, Emmanuel Macron a pointé du doigt une “histoire officielle” selon lui “totalement réécrit[e] qui ne s’appuie pas sur des vérités”, mais sur “un discours qui, il faut bien le dire, repose sur une haine de la France”, rapporte le journaliste du Monde.
« La nation algérienne post-1962 s’est construite sur une rente mémorielle et qui dit : tout le problème, c’est la France », affirme encore Emmanuel Macron, indiquant que cette « réécriture » de l’histoire l’inquiète particulièrement et lui fait craindre « un renfermement » de cette mémoire et « un éloignement » avec le peuple algérien.
Allant plus loin dans son analyse, le président français s’est aussi interrogé sur la nation algérienne. “La construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question”, estime le chef de l’Etat, avant de poursuivre qu' »Il y avait de précédentes colonisations ».
« Moi, lance Macron, je suis fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée. Et d’expliquer qu’on est les seuls colonisateurs, c’est génial. Les Algériens y croient ».
Le régime politico-militaire et son pendant médiatique hurlent à l’ingérence. Alger a ainsi rappelé son ambassadeur à Paris, Antar Daoud, interdit le survol de l’espace aérien algérien aux avions militaires opérant au Sahel dans la cadre des opérations antidjihadistes de Barkhane.
« Cette sortie de route du président Macron, à propos de l’Algérie et de ses institutions est un égarement impardonnable qui ne restera pas sans conséquence », avertit une source algérienne citée par TSA, qui dénonce un contexte électoral propice aux dérapages.
Malgré le tollé provoqué par les propos de Macron et les menaces distillées via sa presse, Alger s’est toutefois abstenu d’annoncer une rupture de ses relations avec Paris ou de fermer son espace aérien à l’aviation civile française.